Durant tout l'été, des actes de répression ont été commis partout dans le monde contre des professionnels de l'information. Voici les derniers, dans la longue litanie des communiqués publiés toute l'année sur ces exactions par RSF.
« Un an après la prise du pouvoir par les talibans, RSF a publié une étude exclusive, révélant le chaos dans lequel le paysage médiatique afghan est aujourd’hui plongé. » Les journalistes afghans ont subi une véritable hécatombe, à commencer par les femmes. « Plus de la moitié ont été forcés de cesser leurs activités, en particulier les femmes journalistes qui ont totalement disparu dans une grande partie du pays. Trois professionnelles des médias sur quatre ont perdu leur emploi. Médias et journalistes sont sous le joug de réglementations iniques limitant la liberté de la presse et ouvrant la voie à la répression et à la persécution, dans un contexte de crise économique aigüe. »
Reporters Sans Frontières, par la plume du directeur « Plaidoyer et Assistance », Antoine Bernard, a rappelé cet été que dès la chute de Kaboul le 15 août 2021, l’organisation humanitaire
s’était mobilisée « pour aider à l’évacuation de plus de 200 journalistes afghans en danger, et a mis en œuvre des centaines d’actions de soutien administratif et financier d’urgence en leur faveur, mais de nombreux journalistes sont encore en grave danger en Afghanistan et ont besoin d’aide. »
Il alertait également sur la situation en Iran, « où malades, très affaiblis physiquement et psychologiquement, privés de soins nécessaires à leur survie, vingt quatre journalistes sont aujourd’hui détenus dans des conditions catastrophiques. RSF a appelé l’ONU à agir pour mettre un terme à ces comportements criminels qui relèvent de l’assassinat d’État. Les moyens de répression utilisés par les autorités iraniennes, visant à briser sur tous les plans les opposants et critiques emprisonnés, sont totalement inacceptables. Le droit d’accès aux soins est totalement bafoué, mettant délibérément en péril la vie des journalistes. Il apparaît clairement que cette dégradation de leurs conditions de détention vient en représailles des tentatives de ces journalistes de faire respecter leurs droits les plus fondamentaux en interpellant les responsables du système judiciaire iranien. »
Et RSF ajoute que « lors de la 50ème session du Conseil des Droits de l’Homme, nous avons alerté la Haute-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme sur la situation très grave dans laquelle se trouvent ces journalistes. Les autorités iraniennes doivent respecter leurs engagements internationaux, et un appel clair doit être lancé afin de libérer sans condition l’ensemble des prisonniers d’opinion en Iran. Aucun journaliste ne devrait subir de telles souffrances pour avoir simplement fait leur travail. Soutenez leur liberté d’informer. »
Jusqu’à la mort
Non loin de là, au Yémen, la guerre qui continue à faire des ravages met en danger de mort quatre journalistes prisonniers des Houthis.
« Détenus depuis 2015 par les Houthis, quatre journalistes yéménites vivent actuellement un véritable enfer en prison. Condamnés à mort en avril 2020, ils attendent d’être fixés sur leur sort dans des conditions de détention totalement inhumaines. » RSF dénonce des traitements cruels et exige leur libération immédiate pour une prise en charge médicale. Accusés de faits d’espionnage pour le compte de l’Arabie saoudite, Tawfik Al-Mansouri, Abdulkhaleq Amran, Akram Al-Walidi et Hareth Humaid, travaillaient pour des médias proches du parti Islah, lié au gouvernement reconnu par la communauté internationale et opposé aux Houthis, au moment de leur enlèvement. « Victimes de mauvais traitements à répétition entraînant de graves complications, les quatre journalistes sont aujourd’hui en danger de mort. Nous appelons à leur libération immédiate et à la levée de toutes les charges qui pèsent contre eux. Si les Houthis n’appliquent pas la peine de mort contre eux, tout est fait pour les tuer à petit feu avec les tortures, les abus psychologiques et le déni de prise en charge médicale. Nous tiendrons les Houthis pour responsables de leur sort. Cet acharnement insoutenable doit cesser sans plus attendre ! »
Sabrina Bennoui, Responsable du bureau RSF Moyen-Orient signale également le sort d’un blogueur égyptien qui lance un appel déchirant: « Vous devez abandonner l’idée de me sauver, » dit-il. Je vais mourir ici. Concentrez-vous sur comment faire en sorte que ma mort entraîne le coût politique le plus élevé. » Voici la terrible phrase prononcée par le blogueur égyptien Alaa Abdel Fattah, lors de la brève visite de sa soeur en prison mi-juin. Il a entamé une grève de la faim il y a quatre mois, pour protester contre sa détention arbitraire qui a débuté en septembre 2019. Son état de santé s’est, depuis, considérablement détérioré et sa vie est en grave danger. RSF exhorte les autorités égyptiennes à libérer Alaa Abdel Fattah, sans quoi il mourra. Nous les tiendrons pour responsables si l’issue de sa grève de la faim était fatale. L’acharnement a assez duré, il est plus que temps de le laisser recouvrir la liberté et retrouver sa famille avant qu’il ne soit trop tard. Plus que jamais isolé et résigné, le journaliste égyptien a besoin de votre aide pour survivre. »
Et Reporters Sans Frontières relève également d’autres signaux de détresse venant d’autres parties du monde. Ainsi au Viet Nam, où un journaliste vient de mourir en prison. Emprisonné depuis quatre ans dans des conditions proprement inhumaines, le blogueur vietnamien Do Cong Duong est décédé ce mardi 2 août. Privé de soins et gravement malade, son état de santé s’est largement détérioré en raison des traitements dégradants qui lui ont été infligés en détention.
« Ce citoyen devenu journaliste, explique Daniel Bastard, de RSF, purgeait une peine de huit ans de réclusion criminelle dans une prison située au Nord du pays. « Il traitait notamment des problèmes de corruption et d’expropriations forcées de la part de l’État, ce qui lui a valu son arrestation en janvier 2018. Nous sommes profondément choqués par la disparition de Do Cong Duong, victime d’un terrible acharnement de la part des autorités qui ont même refusé de rendre le corps à sa famille après le décès.
Nous appelons la rapporteuse spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Alice Jill Edwards, ainsi que la communauté internationale à agir immédiatement pour la survie des 39 journalistes encore détenus dans les geôles vietnamiennes avant qu’une nouvelle tragédie ne survienne.
Aidez RSF à faire en sorte que la mort de Do Cong Duong serve à mettre un terme aux méthodes épouvantables de détention des journalistes indépendants au Vietnam. »
Enfin, Jeanne Cavelier, Responsable du bureau Europe de l’Est et Asie Centrale, appelle à réagir « face à une nouvelle étape très inquiétante franchie dans la campagne de répression massive menée contre les journalistes au Bélarus. Reporters sans frontières (RSF) est scandalisée par ces pratiques, qui constituent une violation flagrante du droit international, et demande qu’elles cessent immédiatement ».
« Les journalistes et professionnels des médias sont désormais victimes de torture psychologique et de méthodes staliniennes, telles que les aveux publics forcés et la délation. C’est la nouvelle tendance du régime d’Alexandre Loukachenko pour éradiquer les médias indépendants au Bélarus. »
« Aucune chance n’est laissée à la liberté de la presse d’exister et aux journalistes d’être en sécurité. Nous sommes indignés par le caractère choquant de ces mauvais traitements et nous demandons aux autorités biélorusses de cesser d’arrêter et d’humilier les journalistes qui font simplement leur travail ».
Au total, 32 professionnels des médias sont actuellement détenus au Bélarus et la violente répression contre les journalistes lancée en 2020 se poursuit.
Et en Ukraine occupée
RSF a en outre recueilli ces jours-ci le témoignage exclusif de trois journalistes des régions occupées du Sud et de l’Est de l’Ukraine. “Les Russes nous laissent le choix : la collaboration, la prison ou la mort”. Traqués, menacés, contraints de vivre dans la clandestinité ou de diffuser la propagande de l’armée russe, ils sont au cœur de la guerre de l’information menée par le Kremlin.
“J’étais tenté d’abandonner – tout ce travail pour, au mieux, un coup de kalachnikov, au pire, les tortures.” Vladyslav confie la terreur permanente dans laquelle il a dû vivre à Kherson pendant 5 mois. Yuliia, quant à elle, se souvient avec une vive émotion d’avoir « dû tout détruire en quittant la ville mais ces reportages resteront gravés dans [s]a mémoire. Les récits glaçants de ces journalistes ukrainiens, plus que jamais en danger, décrivent leur tentative de survie au quotidien depuis le début de l’invasion russe. Les charniers dans les cours d’immeuble, les voisins qui enterrent leurs voisins, les destructions, les pillages… J’étais persuadée que ce serait utile de documenter ces crimes« .
RSF relance donc son appel aux dons, pour continuer à venir en aide à tous les journalistes emprisonnés ou menacés: Reporters Sans Frontières: https://donate.rsf.org/b/mon-don