Sylvain Clament, président de Radio for Peace International et Clémentine Billé, journaliste et membre de l’ONG Nothing2Hide ont sensibilisé les festivaliers aux risques numériques et aux parades possibles.
En 2017, l’ONG Nothing2Hide a été créée pour défendre la liberté d’informer, et notamment celle des journalistes, précise la journaliste Clémentine Billé en préambule de la table ronde animée par Richard Hecht, chargé de mission éditoriale au sein du Club de la presse de Bordeaux-Nouvelle-Aquitaine . « Pour cela il faut savoir comment se protéger, mais aussi protéger ses sources ainsi que leur proches. Nous avons ainsi peu à peu développé de nombreux projets à l’international, en Afrique, ou encore en Europe de l’Est. Nous proposons des formations à la sécurité numérique à destination des journalistes, mais nous pouvons dans certains cas contribuer à définir des règles de sécurité, ou encore analyser des téléphones ou des ordinateurs afin de détecter les vulnérabilités ».
Défendre la liberté d’informer partout dans le monde, c’est aussi le credo de Radio for Peace International (RFPI). Depuis 2019, cette radio diffuse des programmes en ondes courtes centrés sur les questions des droits humains, particulièrement destinés aux terrains de crises et de conflits dans le monde entier, notamment en Russie, en Ukraine, en Afghanistan, ou encore en Iran.
Contourner la censure
Les ondes courtes constituent en effet un véritable atout pour contourner la censure, souligne Sylvain Clament, président de RFPI : « Nous travaillons en-dessous de 30 MHz car ces ondes courtes sont celles qui se propagent le plus loin. En émettant depuis les États-Unis, il nous est possible de diffuser nos programmes dans la quasi-totalité des coins sur la planète ».
Et les ondes courtes ont un autre avantage : « c’est un mode de diffusion que les États ont beaucoup de mal à brouiller. Il y a donc eu un vrai regain d’intérêt pour ces ondes courtes depuis le début de la guerre en Ukraine », observe Sylvain Clament.
Mais contourner la censure n’est pas suffisant. Il est aussi indispensable d’assurer la sécurité des journalistes qui travaillent sur place et prennent des risques. « L’ONG Nothing2Hide nous apporte des conseils concernant les outils à utiliser sur le terrain. Nous privilégions par exemple l’utilisation d’une messagerie instantanée sécurisée française plutôt que l’application Telegram que nous avons utilisé par le passé, mais qui présentait des risques de fuites de données », indique Sylvain Clament.
Il faut cependant s’adapter aux réalités du terrain, souligne Clémentine Billé : « il est parfois nécessaire de passer par des outils qui sont plus grand public afin que les sources puissent elles-aussi les utiliser. Il est par exemple possible d’échanger de premières informations via WhatsApp, puis de basculer sur des messageries sécurisées dès que le contenu informationnel devient plus sensible ».
Une multitude de risques
« Il existe tellement de risques numériques qu’il faut être attentif à plein de choses, rappelle Clémentine Billé. Il est conseillé de basculer vers Proton Mail pour échanger des informations sensibles, de systématiquement faire les mises à jour sur son ordinateur et son téléphone, de sauvegarder régulièrement ses données, ou encore d’utiliser de longs mots de passe sous la forme de phrase, et de préférence pas toujours la même ».
Mais les journalistes sont-ils correctement sensibilisés à la sécurité numérique ? « Nous avons déjà formé des centaines de journalistes en France et nous sommes intervenus dans plusieurs écoles de journalisme. Mais c’est un sujet encore trop peu pris en compte dans leur formation », regrette Clémentine Billé.
Car il n’y a pas que ceux qui iront exercer à l’international qui sont concernés par cet enjeu : « ces dernières semaines, de nombreux médias français sont venus nous consulter pour faire des audits de sécurité. Ils étaient particulièrement inquiets dans un contexte où l’extrême droite pouvait potentiellement arriver au pouvoir », souligne la journaliste.
Clémentine Billé rappelle également qu’au sein d’un média, la personne qui sert de porte d’entrée aux pirates informatiques n’est généralement pas celle qui enquête directement sur les sujets sensibles : « au sein de la rédaction, tout le monde doit faire attention ! ».
Texte et photo : Thomas Allard, journaliste et membre du Conseil d’Administration du Club
***
Sources et liens :
https://www.rfpi.eu/
https://nothing2hide.org/fr/
Pour aller plus loin :
Un article du Global Investigative Journalism Network : « Pourquoi la sécurité numérique ne peut pas être la même pour tous les journalistes » : https://gijn.org/fr/histoires/pourquoi-la-securite-numerique-ne-peut-pas-etre-la-meme-pour-tous-les-journalistes/