Jeudi 20 octobre, le Club de la presse proposait son premier Café-Presse autour de cette question : « Presse locale et engagement politique jusqu’où peut on aller ? ». Débat co-animé par Marie-Christine Lipani, directrice adjointe de l’IJBA, auquel ont participé Christine Lehesran, rédactrice en chef France 3 Aquitaine, Jean Petaux, politologue IEP Bordeaux et lire la suite
Jeudi 20 octobre, le Club de la presse proposait son premier Café-Presse autour de cette question : « Presse locale et engagement politique jusqu’où peut on aller ? ».
Débat co-animé par Marie-Christine Lipani, directrice adjointe de l’IJBA, auquel ont participé Christine Lehesran, rédactrice en chef France 3 Aquitaine, Jean Petaux, politologue IEP Bordeaux et Bruno Béziat, chef de l’information Sud Ouest en Gironde.
Presse locale et engagement politique jusqu’où peut on aller ? Le complot. Notre discussion aurait pu se limiter aux contours de ces paranoïas virales. Parce que dés que l’on pose des questions comme : la presse est elle libre face aux enjeux politiques ? Doit elle respecter les calendriers électoraux ? Ou : prendra-t-elle position si le FN est au second tour des présidentielles ? Quand ces questions sont posées : les complotistes sortent de leurs planques certains d’avoir, enfin, mis le doigt sur les vrais coupables de ce désordre.
Au commencement, ce postulat de Jean Petaux : « La presse est le lieu où les fantasmes sont les plus présents, la sociologie du complot y est donc quasi ininterrompue et sans limite ».
L’engagement de la presse passe, selon le camp, pour une manipulation ou pour du sursaut citoyen. Tout dépend du camp. Notre Café démarre, donc, sur la question FN.
« S’il y a un vrai danger avec le FN aux prochaines présidentielles, je suis certain que Sud Ouest prendra partie, comme a pu le faire La voix du Nord pendant les régionales » assure Bruno Béziat. Le chef de l’information du quotidien en Gironde estime que la presse peut avoir à ce moment là, en effet, un rôle à jouer même si, en l’occurence, ça n’est absolument pas dans les habitudes de Sud Ouest. Le journaliste rappelle la position de l’ensemble de la presse lors des Présidentielles de 2002, quand Jean-Marie Le Pen passe au second tour. Sud Ouest prendrait donc partie, encore aujourd’hui, et ce même si cela induit une fragilisation de ses ventes. Côté France 3 Aquitaine, « le danger FN n’est pas dans nos radars » selon sa rédactrice en Chef. Christine Lehesran qui assure, par ailleurs, travailler, traiter les sujets de la façon la plus neutre possible sans imaginer les éventuels conséquences politiques, « nous voulons juste montrer à nos télespectateurs que le monde bouge et change ». Bruno Béziat admet, au contraire, avoir eu récemment, plusieurs retours de lecteurs s’inquiétant du traitement de tel ou tel sujet favorisant selon eux plus le replis sur soi que la solidarité, et donc par là la montée de l’extrême droite.
A Bordeaux, évidemment les Présidentielles de 2017 ont pris une tournure toute particulière depuis qu’Alain Juppé est candidat à la primaire de la droite. Une période où les pressions sont redoutées et scrutées ou encore imaginées, c’est aussi un moment pour les opposants d’attaquer. Depuis l’été dernier, l’aile gauche de la mairie de Bordeaux reproche à Alain Juppé d’importants manquements dans sa comptabilité. « Il n’y a pas de calendriers électoraux pour les journalistes » nous assurent les représentants des médias présents. « Nous avons traité ce sujet en toute transparence sans nous soucier que ce soit ou pas le bon moment » garantit Bruno Béziat.
Il peut aussi arriver qu’il y ait des calendriers malheureux.
L’an dernier, à quelques semaines des élections régionales, Sud Ouest était la cible d’attaques de Virginie Calmels. La candidate Les Républicains accusait le journal de bénéficier de dons de la Région alors qu’il s’agissait d’un prêt, « autoriser ce prêt à cette période était peu pertinent » reconnait Bruno Béziat qui raconte dans le même temps « la difficulté pour la rédaction de traverser cette épreuve, Virginie Calmels nous accusait partout d’être du côté d’Alain Rousset, de manquer donc d’impartialité » Le chef de l’info de Sud Ouest ajoute : « on est habitués, à chaque élection, chaque candidat nous reproche de rouler pour le concurrent mais l’an dernier, c’est aller vraiment loin et ça nous a tous heurtés ». Le complot peut aussi être dirigé par des politiciens à destination d’un public attentif à ce type de suspicion, « le métier de journaliste est un des 3 métiers les plus détestés du pays » souligne Jean Petaux.
Et là..c’est le complot !
C’est à ce moment là, que dans le public de notre Café Presse une personne révèle une information…insensée : « un élu de la Métropole bordelaise, (NDLR : inutile de donner un nom) est actionnaire de Sud-Ouest et..complote ». Alerte à toutes les voitures : il y a un nouveau com-plot local ! Un actionnaire privé, étranger à la célèbre famille Lemoine, fondatrice du journal, voilà qui, peut-être, aiderait les finances du quotidien mais ça n’est qu’un fantasme à ce jour. Accusation suivie d’une question posée par un jeune étudiant présent, sur les liens avérés, entretenus, reprochés entre journalistes et politiciens « mais comment pourrions nous exercer correctement notre métier si nous ne discutions avec personne ? Comment décrypter des stratégies politiques si on n’en connait aucune incarnation ? » interroge en retour Bruno Béziat.
A qui profite le crime ?
Nous débattons de notre intégrité mais au fond, aujourd’hui, à quoi, à qui ça sert de lire, voir, entendre une presse qui s’engage ? Selon Jean Petaux : « 70% des journalistes sont de gauche, 70% des électeurs ne votent pas à gauche » et de préciser qu’aujourd’hui beaucoup de journaux ont perdu des lecteurs et donc de leur influence. Jean Petaux de rappeler, les années fastes de la PQR. Sud Ouest qui rythmait les vies, incontournable compagnon et indispensable lien social jusqu’à la nouvelle économie numérique. Rôle mesuré, notamment, lors de la grande grève de 1972, notre camarade Jean-pierre Spirlet, qui assiste à ce Café-Presse, nous rappelle que cette gréve avait duré 26 jours, le monde s’était alors comme mis sur pause, les allées des cimetières étaient vides.
Cette époque semble si lointaine à l’heure du tout info pour tous par tous partout. Reste les doutes des conspirationnistes sur les pervers-manipulateurs-journalistes , doutes irréfutables car structurels à leurs théories. Selon les observateurs en sciences sociales, toute tentative de démonstration est discréditée car elle est une nouvelle tentative de cacher la vérité.
Venez participer, débattre, écouter notre prochain Café-Presse avec enfin un VRAI complot : « Le choix des experts économiques dans la presse ».
Nous vous attendons au Club le jeudi 8 décembre à partir de 19h.