L’un des vice-présidents nationaux de l’ODI était à Sud Ouest, invité par la seule section de cet observatoire en dehors de Paris. Il vient de réunir dans un livre les Chroniques qu’il a publiées dans l’Infolettre de l’Union de la Presse Francophone depuis 2014. « Pierre Ganz connaît bien le monde des journalistes. Il a toujours été lire la suite
L’un des vice-présidents nationaux de l’ODI était à Sud Ouest, invité par la seule section de cet observatoire en dehors de Paris. Il vient de réunir dans un livre les Chroniques qu’il a publiées dans l’Infolettre de l’Union de la Presse Francophone depuis 2014.
« Pierre Ganz connaît bien le monde des journalistes. Il a toujours été très engagé dans la défense du métier. » En accueillant notre confrère, Fabien Pont, le médiateur de Sud Ouest, rappellera qu’il fut entre autres grand reporter pour RMC, pour Sud Radio, puis directeur de la rédaction multimedia de Radio France Internationale. Il salue l’Observatoire de la Déontologie de l’Information (ODI), dont la section bordelaise, unique en France, était représentée par Marie-Christiane Courtioux, Françoise Dost, Jean-Marie Dupont, Richard Hecht et Marie-Christine Lipani. Celle-ci, maître de conférences habilitée à la direction de recherches à l’Institut de Journalisme Bordeaux Aquitaine (IJBA), avait remercié Sud Ouest de son accueil avant d’amorcer le débat en indiquant que « le livre de Pierre Ganz répond à toutes les questions que l’on se pose sur le journalisme et la déontologie. Et surtout, il remet de l’humain dans la technologie, en parcourant 40 ans de journalisme dans l’audio-visuel public et privé. » Et de poser une première question, liée à l’actualité : « Le journalisme est-il devenu un métier à risque ? »
« Les violences contre les journalistes, en France, ce n’est rien par rapport au reste du monde, répond Pierre Ganz, car ailleurs les morts se comptent par dizaines. Qu’est-ce qui explique cette agressivité à notre égard ? Depuis une dizaine d’années, le “journalisme-bashing“ est devenu une mode. Peut-être parce que notre population ne se retrouve pas forcément dans ce que lui renvoie une partie de la profession. Quand vous êtes dans une frustration terrible, comme une partie des gens aujourd’hui, vous vous en prenez aussi au messager, au-delà des contenus. »
« Quelle attitude avoir ? » demande Marie-Christine Lipani. L’intervenant distingue cinq niveaux de comportement dans les situations difficiles. « La première est de ne pas se mettre en danger. Il faut assurer sa sécurité et apprendre sur le terrain à jauger la situation. En second lieu, dire qui vous êtes. Ensuite, prendre du recul, écouter, interroger les personnes. En quatre, ne pas faire confiance aux réseaux sociaux. Si vous vous connectez depuis un cybercafé, le faire depuis un réseau VPL. Enfin, ne pas filmer en arrivant, d’abord nouer une relation, se présenter, dire bonjour… »
Et les Conseils de presse ?
L’animatrice évoque le débat actuel sur les Conseils de presse qui existent dans de nombreux pays et restent à l’état de projet en France. Peuvent-ils résoudre des problèmes, et si l’on en a besoin, cela veut-il dire que les journalistes ont perdu leur déontologie ?
« Non, ils ne l’ont pas perdue car c’est une matière vivante, elle ne reste pas enfermée dans des bouquins. Il ne s’agit pas d’une philosophie, mais de choses concrètes et pratiques. Nous les journalistes, nous passons notre temps à demander aux gens : donnez-nous des comptes de ce que vous faites. Et nous serions les seuls à ne pas avoir de comptes à rendre?Il nous arrive de commettre des fautes, nous sommes des humains comme les autres. Et à ce moment il faut un lieu pour en témoigner. Actuellement, le public n’a pas la possibilité de saisir un organisme, sauf avec les médiateurs de chaque publication. Le Conseil de presse pourrait donner un avis en tant qu’instance extérieure. C’est un petit outil qui permettrait de regagner un peu la confiance du public. »
Il cite la Belgique, où le Conseil de Presse a maintenant dix ans, et où il apparaît qu’une faute reconnue et analysée auprès de lui ne se reproduit généralement pas dans le média concerné. Et c’est une arme également contre les “fake news“.
« De notre part je n’emploierait pas ce terme, estime Pierre Ganz, car un journaliste peut faire des erreurs mais pas des fausses nouvelles, puisque justement tout son travail consiste à vérifier toutes les informations, sans les manipuler. »
Marie-Christine Lipani demande alors comment interpréter le silence des chaînes en continu sur la manifestation de Paris contre les violences faites aux femmes, tandis qu’un battage médiatique sans précédent s’appliquait aux gilets jaunes ?
« Chacun tranchera dans son média, en fonction de ses contraintes, mais pour moi les chaînes qui ont fait silence sur la manif contre les violences faites aux femmes, qui a réuni plus de 30.000 personnes, ont commis une faute déontologique, ou en tout cas ce sont des personnes qui sont passées à côté de leur mission. En outre, passer en boucle des images de gilets jaunes avec deux personnes qui parlent du sujet mais sans commenter les images, moi cela me pose question, même si je n’ai pas la réponse.»
Fabien Pont indique que de nombreux lecteurs de Sud Ouest se sont posé des questions sur ce comportement télévisuel face aux deux manifs. Une étudiante rappellera que le mouvement “MeToo“ depuis plus d’un an « a apporté un nouveau prisme, avec une prise en charge par la société que les médias auraient dû répercuter ». Et de s’interroger : « La déontologie ne doit-elle pas permettre de restituer à la société ce qu’elle est ? Ce ne fut pas le cas pour les chaînes d’infos, alors que la presse régionale l’a fait davantage ».
Pierre Ganz s’affirme comme adversaire, depuis longtemps, des “breaking news“, les nouvelles qui « cassent l’antenne » et imposent un traitement unique et long d’un seul sujet, réduisant les autres. Un journaliste franco-québécois de Sud Ouest, William Biard, apportera le témoignage de ce qui se passe outre-atlantique : « Il y a un Conseil de presse au Québec, et quand il émet des remontrances, tout le monde joue le jeu. »
Un étudiant de l’IJBA pose « le problème des puissances d’argent, avec les annonceurs qui pèsent sur l’indépendance et la déontologie ». « Bien sûr que l’argent tente d’avoir une influence sur les contenus, répond le conférencier, cela a toujours été, mais on peut y résister ! D’abord il ne faut pas dire que tous nos problèmes sont déontologiques : il y a des questions politiques, philosophiques, etc… »
Il signale que l’ODI «a demandé à jouer un rôle de facilitateur pour la création d’un Conseil de presse en France. » Et de conclure : « Ce qui compte, c’est le message. Et le messager ne doit pas devenir plus important que lui. »