Retenu dans la section fiction, en compétition au Festival du Film d’Histoire de Pessac, inspiré de plusieurs affaires, objets de récits du journaliste Denis Robert – « Révélations » et « La boite noire » -, le film « L’Enquête » du réalisateur Vincent Garenq, a été projeté en avant-première. Plusieurs enquêtes, avec dénominateur commun, se recoupent : l’affaire des rétro commissions des lire la suite
Retenu dans la section fiction, en compétition au Festival du Film d’Histoire de Pessac, inspiré de plusieurs affaires, objets de récits du journaliste Denis Robert – « Révélations » et « La boite noire » -, le film « L’Enquête » du réalisateur Vincent Garenq, a été projeté en avant-première.
Plusieurs enquêtes, avec dénominateur commun, se recoupent : l’affaire des rétro commissions des Frégates de Taïwan, le fichier Clearstream, l’enquête du juge Van Ruymbecke et celle du journaliste Denis Robert.
Le film est efficace, traité comme un polar, avec séquences rythmées, rebondissements, personnages, lieux et situations reconstitués avec réalisme.
L’histoire, complexe au départ, révèle la face cachée plutôt simpliste de la finance mondiale, et des commerces obscurs de la mondialisation qui l’alimentent (armes, drogue, commissions et blanchiment…). De l’argent circule illégalement des mains de marchands d’armes à celles d’intermédiaires louches mais nécessaires !
Clearstream est décrit comme cette cette grosse lessiveuse européenne par qui transitent les flux à la faveur de « comptes non publiés« .
Le juge et le journaliste ne parviendront pas à prouver que ce système est criminel !
Pire, ils seront piégés, Denis Robert surtout, par la révélation et la publication de listings falsifiés : de faux noms de bénéficiaires ( Madelin, Chevènement, Paul de Naguy ( Sarkozy) et un tas d’autres) ont été rajoutés – dans quel but- par un ancien trader de la City, Imad Laoud.
63 plaintes en diffamation contre le journaliste, une vie familiale en lambeau, la perte de tous ses revenus… Sans compter l’affaire d’Etat en France, dans un contexte de rivalités pré-présidentielles.
Clearstream propose un arrangement. Condamné en appel, le journaliste décide de tenter le tout pour le tout et de se pourvoir en cassation. « Je ne pouvais pas laisser penser que j’étais dans mon tort ! » Il obtient gain de cause.
Tandis que faute de preuves, le juge prononce un non lieu contre la société luxembourgeoise, la Cour de cassation exonère le journaliste de toute diffamation et condamne Clearstream aux dépens ! Jugement de Salomon ? Amère victoire.
Le film, fidèle au récit de l’auteur, pose la question du journalisme d’investigation.
Il comporte trop de risques, pressions, violences, procédures, menaces, chantages. Un journal peut-il en assumer aujourd’hui les frais ? Les conséquences humaines ?
Le journaliste d’investigation est-il condamné à être ce justicier solitaire, blessé, dépouillé, et finalement jamais vraiment réhabilité ? Suspect d’avoir voulu jouer les héros redresseurs de torts, tandis que tourne rond la machine financière…
La commission luxembourgeoise de soutien au cinéma a participé au financement du film. Engagement courageux ? Ou simple gage de ce que le monde va continuer de tourner ainsi, sans qu’aucun chef d’Etat européen – ni d’ailleurs aucun citoyen- ne s’offusque de cohabiter avec le plus efficace paradis fiscal de la planète ?
Denis Robert à « laissé tomber » en 2008. Depuis il s’est intéressé à des tas d’autres choses et poursuit sa vie d’écrivain enquêteur. Seul ce dernier constat interpelle encore une colère pas si enfouie. « Comment l’Europe peut elle fermer les yeux ? Pourquoi n’y a-t-il pas de système judiciaire européen ? »
Marie Christiane Courtioux
Sortira le 11 février 2015 en salles
L’Enquête de Vincent Gerenq, d’après le livre de Denis Robert
*Le film s’inspire de « L’affaire des affaires » de Denis Robert, Yan Lindingre et Laurent Astier et de « La boite noire » de Denis Robert.
*-Le Rapport parlementaire d’Arnaud Montebourg (Assemblée nationale Janvier 2002)
>>>Rapport de la commission d’enquête Peillon-Montebourg en PDF