FIJ - proces media

Liberté d'expression ou discrimination en cavale ? Voilà les caricaturistes à la barre pour répondre à un chef d'accusation de premier ordre : ciblage excessif de minorités à des fins pseudo-humoristiques. Une vingtaine de festivaliers s'est prêtée au jeu du procès des médias à Couthures-sur-Garonne, avec le Club comme témoin.

« Les caricaturistes et les humoristes sont tous de gauche ! Regardez Guillaume Meurice, il a fait une blague juste pour vendre des bouquins ! » Ces gens osent tout. N’importe quel sujet d’actualité devient prétexte pour un dessin tiré à la minute qui va faire bien rire en appuyant sur des clichés. La liberté d’expression a bon dos dans le monde de la caricature ! C’est ainsi que le collectif de journalistes Entre les lignes a proposé, avec une accroche volontairement provocatrice, un procès des médias au cœur du Festival international de journalisme de Couthures-sur-Garonne.

Le procès se tient à ciel ouvert avec pour toute salle d’audience un jardin luxuriant. « Quel est le message de l’humour ? Des gens peuvent rire pour la mauvaise raison et une caricature de gauche peut beaucoup faire rire des gens d’extrême droite… » La diatribe vient d’un connaisseur du milieu, le dessinateur de presse Kak, qui se prend au jeu de l’accusation. Il donne l’exemple du dessin de sa consœur Coco dans Libération caricaturant des enfants palestiniens qui cherchent à se nourrir en courant derrière un rat. Un coup de crayon pour dénoncer la misère… mais qui s’en moque trop ? Le dessin a fait grand bruit sur les réseaux.

Clichés à la pelle

« Avec les réseaux sociaux, les gens peuvent être exposés à des caricatures de presse sans l’avoir choisi. Quand ils achètent un journal, ils sont plus prêts à les recevoir, à les réceptionner », fait valoir une intervenante de la défense pour justifier que la caricature a toute sa place dans un cadre donné. Le dessin diffusé gratuitement et hors-contexte est sûrement une part du problème. Reste encore que malgré la popularité de la bande dessinée, le public français n’est pas à l’aise avec le format. « Il y a un manque d’éducation, les enfants ne sont pas habitués au dessin de presse, souligne une autre. C’est un enjeu d’éducation aux médias mais ce n’est pas la faute des caricaturistes ! »

Et si la liberté d’expression tant revendiquée par les artistes était un prétexte pour ne jamais se remettre en question ? Question légitime quand les clichés sexistes, homophobes ou encore racistes défilent encore dans les encarts dessinés. « Me too, [les caricaturistes] pensent que c’est le nom d’un Pokémon ! » accuse Kak, dans une profession où « on est face à une remise en question permanente sur nous-mêmes ». Des dessinateurs qui véhiculent aussi les biais de la société et montrent comment elle évolue. Une certaine façon de « porter le crayon dans la plaie » comme l’ont conclu les deux avocats de la séance.

Texte et photo : Maxime Giraudeau, journaliste et Vice-Président du Club

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