FIJ 2024 - jeunes et PQR

Face à un lectorat de la presse quotidienne régionale vieillissant, l’info locale, pourtant essentielle à la création de lien entre territoires et générations, se questionne. Comment s’adapter à une cible aux visages pluriel, habituée à ses propres canaux d’informations ? Vaste sujet pour une table-ronde modérée par William Audureau, journaliste au Monde.

« Il y a trente ans, Sud Ouest comptait 400 000 lecteurs pour 180 000 aujourd’hui. Aujourd’hui, l’âge moyen du journal papier dépasse 70 ans, celui de la version en ligne tourne autour de 50-55 ans ». Les chiffres, éloquents, sont rapportés par Rémi Monnier, journaliste et médiateur à Sud Ouest et illustrent immédiatement l’urgence de la crise actuelle dont la presse quotidienne régionale pâtit. Si la dynamique se retrouve aussi à l’échelle nationale, son rapport à population jeune locale semble relever d’enjeux peut-être plus complexes, donnant lieu à plusieurs questions de fond aux solutions encore incertaines. En effet, comment atteindre une génération dite « digital native », en tant que média régional, lorsque les budgets et les recrutements impliqués dans ces problématiques ne suivent pas toujours ?

La jeunesse déconnectée de la presse locale

Au-delà de cette question de moyens humains ou financiers dont les rédactions doivent se doter, l’enjeu simple et basique de l’accès à l’information, pour ces jeunes, se pose. A l’image de cette jeunesse rurale et sans diplôme de Nouvelle Aquitaine que le sociologue et chercheur Clément Reversé a étudié, dans le cadre de leur insertion et de leur transition vers l’âge adulte. Pour lui, « le rapport des jeunes avec les médias locaux dépend avant tout de la jeunesse dont on parle. Celle de la précarité et de l’isolement n’a, pour sa part, aucun lien avec la presse locale. En miroir, cette cible a tendance à être considérée sous deux prismes. Celle du danger ou celle d’une ressource essentielle, capable d’amener un peu de vie ». Danger ou ressource, rurale ou urbaine, les plus jeunes peuvent également ne pas être habitués, socialement, à s’informer par ce biais. 

A considérer que la jeunesse puisse donc être un vecteur de longévité pour les médias en mal d’audience, on se heurte alors à la difficulté d’atteindre un public qui les a naturellement mis à distance et dont le lien avec le papier a à voir avec leurs grands-parents. « On ne peut que constater cette déconnexion avec la presse locale » admet Jean Berthelot de La Glétais, fondateur du média Podcastine. « Ce détachement est en partie la faute des journalistes, qui peuvent apparaître comme des hommes et des femmes à la carrière et aux parcours inaccessibles. C’est pourtant notre rôle que de leur faire découvrir la qualité et la rigueur de certaines démarches journalistiques locales ». 

S’adapter aux nouveaux usages

Quelles solutions alors pour atteindre ces 15-25 ans, plus habitués à récolter de l’information en ouvrant son application Tiktok ou Instagram qu’à parcourir les pages de son quotidien papier ? Investir les formats auxquels il est familier, pour commencer, à l’image du travail réalisé par Sud Ouest : « Cela fait plusieurs années que nous misons sur les réseaux sociaux et sur les formats vidéo courts » expose Rémi Monnier. « Et cette année, nous avons reçu 73 classes et 1800 élèves, de collèges, de lycées mais aussi de missions locales ». Si ce travail de proximité peut se révéler fructueux, quid de l’effort de la presse locale pour s’intéresser aux sujets qui animent les plus jeunes ? A ce titre, Clément Reversé témoigne de son expérience : « J’ai travaillé avec des jeunes en milieu rural qui avaient monté un concours de jeux en ligne. C’est typiquement le genre de sujets qui peut les motiver, mais à l’échelle de la presse locale, qui s’y intéresse ? ».

Si les efforts à fournir de la part des médias demeurent encore perfectibles en la matière, le tableau ne semble pourtant pas aussi sombre, pour Jean Berthelot de La Glétais, « Des ateliers que je mène, je sais qu’une majorité des jeunes se tourne vers la presse pour vérifier leur information. Ils partent effectivement du réseau social pour la trouver, mais dans environ 50% des cas, consultent ensuite des sites journalistiques. Le réflexe est peut-être inconscient ,mais bien ancré », témoignant finalement d’une interrogation à double-sens. Est-ce aux médias d’éduquer les jeunes ou aux jeunes de les enrichir ?
A Couthures-sur-Garonne, les propositions et constats se tissent, pas toujours sûrs de bien faire mais avec la volonté d’y parvenir. Et n’oubliant pas, par ailleurs, que le rajeunissement de la presse locale commence aussi dans les écoles de journalisme, en orientant leur recrutement en faveur de publics variés, propice à une diversité plus effective.

Texte : Laurène Secondé, journaliste et membre active du Club
Photo : Club de la Presse de Bordeaux Nouvelle-Aquitaine

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