En 2014, le médiateur le plus connu de France a jeté l'éponge. Ni censeurs, ni potiches, ni hommes et femmes de marketing, les médiateurs travaillent sur un fil. Leur mission, assurer crédibilité et confiance dans l'information.
En 2014, le médiateur de Sud Ouest, Thierry Magnol, membre de l’ODI (Observatoire de la Déontologie de l’Information) nous a appris une bonne nouvelle : Sud Ouest a adhéré en tant qu’organe de presse à cette instance de forme associative. La démarche consiste à veiller au respect des bonnes pratiques du métier. C’est le plus souvent le cas, mais c’est mieux en le disant, selon la formule familière.
Mais du journal départemental à la chaîne de télé de service public, la pratique connaît bien des degrés.
Répondre au lecteur qui s’énerve d’une maladroite coquille (Martine Aubry et les fraudeurs !) est une chose, transmettre des critiques sur le fond, les choix et la hiérarchie de l’information (Trop de politique, trop de faits divers, trop de… pas assez de…), en est une autre.
Et aussi, quel statut ? Celui d’un journaliste comme un autre, au cœur de la rédaction ? Celui d’un conseiller proche de la direction et en mesure d’infléchir les choix éditoriaux ? Un représentant défenseur des journalistes ? Un avocat du journal ? Un porte-parole du lobby des lecteurs ?
Le départ, le 1er décembre dernier, du médiateur de Radio France, Jérôme Bouvier, vient relancer le débat.
Voici les raisons qu’il donne de son départ aux auditeurs de Radio France sur le site Espace Public.
Un constat qui sonne comme un aveu d’impuissance.
« A quoi servons-nous si le nécessaire lien de confiance entre les journalistes et leurs publics est rompu ? Il suffit de vous lire pour voir à quel point cette confiance est aujourd’hui mise à mal.
Pour préserver cette confiance, pour la restaurer, il faut du travail, de la rigueur, de l’indépendance, de l’honnêteté, de la liberté, de l’irrévérence si nécessaire, de cette curiosité en tous cas qui éloigne des vérités moutonnières… »
Le poste n’est pas officiellement pourvu et un intérim assuré par Jean Christophe Ogier.
Sur le Blog de FrancetvInfo, Votre télé et vous, la présidente, Marie-Laure Augry s’inquiète de la signification du départ de J Bouvier et rappelle le rôle des médiateurs.
« Les postes de médiateurs, presque toujours créés à l’initiative des directions, fait observer le texte de présentation du Cercle, sont soumis aux aléas des changements de dirigeants, comme de la conjoncture économique ».
Dans le Bulletin n°43 de l’APCP, Yves Agnès va plus loin et s’interroge sur la nouvelle stratégie du PDG du groupe :
« Contrairement à ses prédécesseurs, le nouveau PDG Mathieu
Gallet – ancien conseiller des ministres Christine Albanel et Frédéric Mitterrand – ne semble pas croire à la nécessité d’une médiation entre les rédactions de Radio France et leurs auditeurs.
Coïncidence ? Le jour de son départ, un directeur chargé du « marketing relationnel »* a été nommé. Mathieu Gallet ne paraît pas penser l’information sous l’angle de sa qualité et comme un service public dans le service public, notions qui ne font sans doute pas partie de ses « choix structurants »
… »
On peut rappeler que la notoriété de Jérome Bouvier, dans le métier et au-delà, dépassait largement la fonction, depuis le succès des Assises Internationales du Journalisme. Cette notoriété avait-elle fini par le faire percevoir comme « juge arbitre » de l’information plutôt que comme un bienveillant intermédiaire ?
Finalement, pour Radio France, question de personne ou changement d’algorithme ?
Et pour la presse en général quelles conséquences ?
Au moment où les médias ne sont plus sacro-saints, plus tout à fait rentables, où les « lol-cats » ont gagné la partie sur le web, où la comptabilité « au clic » s’applique même aux articles de journalistes, les médiateurs sont-ils devenus un luxe et d’inutiles chevaliers blancs ?
La réponse en 2015 ?
L’actualité
– Le Blog du médiateur de Sud Ouest
– Stratégies cite la nomination du chargé de marketing relationnel
– Votre télé et vous du 16 décembre 2014 (A revoir)
– A Radio France, on n’a pas encore eu le temps d’actualiser la page
L’existence des médiateurs de presse n’est pas toute récente. Les grands médias anglo-saxons et des pays nordiques en sont pourvus. Le célèbre Pulitzer en a ressenti le besoin dès 1913. Le Washington Post est le premier à avoir en 1970 créé le profil actuel du journaliste chargé de transmettre les critiques des lecteurs à la rédaction.
En France, Sud Ouest a eu son médiateur Pierre Marie Cortella, dès 2006, quelques années après Le Monde (1994). Le 20 juin 2006, les médiateurs créent leur Cercle que préside Marie Laure Augry, médiatrice de France3.
Lire aussi :
– Mobilisation pour un statut du médiateur de presse (APCP octobre 2014)
– Dans les Cahiers du Journalisme n° 18 ( printemps 2008 ), Yves Agnès présente la fonction du médiateur de presse
– Dans la collection « Journalisme responsable », un document (en PDF) pose les bonnes questions et décortique le poste d’Ombudsman : La presse en quête de crédibilité a-t-elle trouvé son Zorro ?
Image : Emission « Votre télé et vous » du 16 décembre dernier (photo France3)
* ndlwm : Vouloir connaître les attentes du public pour l’intéresser et le fidéliser n’est à notre sens pas du tout contradictoire avec la volonté de lui offrir, par ailleurs, et avec autant de conviction, l’assurance d’une information de qualité, obéissant à toutes les règles d’orthographe (!) et de déontologie ! Il ne s’agit pas du même rôle et du même métier. Ils peuvent pourtant se croiser quand le lecteur-spectateur estime selon un récent sondage que les journalistes sont trop loin de leur réalité quotidienne et qu’ils distillent une réalité anxiogène. Dans ce cas, on touche à la ligne éditoriale. Et à la question centrale : qui la définit, en vertu de quels critères ? MCC