A l’heure de VISA pour l’IMAGE, ce témoignage spontané nous a paru intéressant, révélateur. La photographie est morte, vive la photographie. Petit manuel pour les jeunes photographes qui veulent tenter l’aventure. Être photographe au 21eme siècle est une aventure, remplie de difficultés, semée d’embuches. Un petit état des lieux s’impose. Tous ces mots sont le lire la suite
A l’heure de VISA pour l’IMAGE, ce témoignage spontané nous a paru intéressant, révélateur.
La photographie est morte, vive la photographie.
Petit manuel pour les jeunes photographes qui veulent tenter l’aventure.
Être photographe au 21eme siècle est une aventure, remplie de difficultés, semée d’embuches. Un petit état des lieux s’impose. Tous ces mots sont le fruit de mon expérience de 5 ans dans ce métier.
Être photographe de presse ne paye plus.
Photographier des personnalités devient de plus en plus impossible. Trouver la porte d’accès pour photographier des personnalités n’a jamais été aussi dur. Les agences ne répondent pas, les attachées de presse ne permettent pas à des photographes indépendants de rencontrer les personnalités et les photographier. Si tu n’es pas un photographe missionné par un magazine pour réaliser un portrait d’une « star » pour une couverture d’un de ces magazines à succès, tu vas ramer. Beaucoup ramer et surtout prouver. Prouver en permanence que tu es capable de faire le travail et surtout montrer, diffuser, partager. Vendre est une option si tu veux te faire connaitre mais c’est pourtant le nerf de la guerre. Si tu veux vendre, tu vendras. A des magazines qui te paieront ridiculeusement en décidant des tarifs des piges. Tu ne décides plus des tarifs, tu acceptes même quand c’est 16,16€. Ce montant correspond à l’achat d’une de mes photographies par un magazine très connu. De source documentée, un autre magazine populaire offre généreusement 3€ pour l’achat d’une photographie. Comment faire pour faire valoir tes droits et être traité avec respect et justesse ? Tu te bats. Publiquement. Tu les dénonces et tu agis.
Être photographe de concert ne paye plus.
Être photographe de concert fait rêver beaucoup de jeunes photographes. De moins en moins d’organisateurs de concert accordent l’accès au devant de scène, à des photographes indépendants. Les organisateurs te font signer des contrats illégaux t’obligeant à leur céder les droits d’exploitation de tes photographies. Si tu ne signes pas, tu ne rentres pas. C’est la règle. Enfin arrivé en devant de scène, ce grand espace entre les barrières et la scène que tu convoites tant va vite te paraître petit et étouffant. Eh oui, tu n’es pas le seul dans ce domaine. Des dizaines d’autres photographes sont là, pour profiter du spectacle et en option, faire quelques photographies. Tu rentres chez toi avec une série de photographies que tu auras sélectionnées. Tu les partages sur Facebook, c’est chouette, tu as des likes. Mais le like ne paie pas. Alors tu essaies de vendre tes photos. Mince, le contrat que tu as signé t’interdit toute diffusion à caractère commercial. Soit tu décides de respecter le contrat alors tu auras fait le déplacement pour rien, soit tu décides de t’en foutre. Là arrivent les déboires avec les productions. Elles voient que tu essaies de te la jouer électron libre et ça, elles n’aiment pas du tout. Ben oui, elle veulent contrôler les photographies que tu as prises de leur machine à fric. Elles veulent vendre elle même les photographies aux magazines. Donc elles te sortent tout un tas de remarques du type : « Vous n’avez pas respecté les termes du contrat que vous avez pourtant signé » , « Ce n’est pas professionnel de votre part », « Ce n’est pas comme cela que ça fonctionne »…. En effet, ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. Je suis auteur des photographies que je produis, j’ai les pleins pouvoir sur mes créations. En résumé, je fais ce que je veux, et ce n’est pas ton contrat qui me diras le contraire…. Tu décides donc de contacter les magazines pour leur vendre tes photographies. Tu te trompes. Les magazines n’achètent plus les photographies, sauf si tu les menaces publiquement ou par lettre d’avocat. Cela vaut pour le concert, pour la mode ou pour tout autres photos qui peuvent se publier en magazines. Les magazines connaissent très bien le milieu de la photographie et savent comment exploiter ces faiblesses. Il savent que des petits photographes amateurs seront ravis de donner gratuitement leurs photographies pour avoir une publication dans un magazine et découvrir avec enthousiasme leur prénom à côté d’un « Photo : » ou d’un « Copyright : ». Cela n’apporte rien de faire ça. Si tu ne te bats pas, sache que tu contribues à l’abus. La presse vole ta photo en y inscrivant « DR »(ce qui veut dire « Droits Réservés ») La presse décide des prix où ils achèteront ta photos. Tu ne choisis plus le tarif de vente de TA photographie. Si tu te bats, tu recevras un « Ne vous inquiétez pas, votre parution est provisionnée et sachez que nous pigeons la parution, n’est-ce pas une bonne surprise? »… Non ce n’est pas une surprise ou une bonne nouvelle, c’est la logique des choses. Je travaille, je te vends une photographie, tu me paies.
Être photographe événementiel ne paye plus.
L’époque où la poule aux œufs d’or était chez les professionnel qui organisaient des salons, des congrès, des séminaires, etc… est éteinte. Les agences d’événementiel ou les entreprises elles même préfèrent payer une formation de 3 jours à un chargé de communication, lui acheter un appareil photo bas de gamme et le missionner en couverture photo pour se décharger des frais d’un VRAI photographe événementiel. Pareil pour le pack shot.
Être photographe de mode ne paye plus.
Pour photographier des mannequins en agence, encore faut il contacter les agences. Les agences font passer des tests que l’on appelle : test-shoot, pour estimer le travail du photographe et déterminer s’ils peuvent travailler ensemble.
Il y a peu, le nombre de test-shoot était de 2 en moyenne. Maintenant, il faut réaliser 4 à 5 test-shoot (donc non rémunéré) pour savoir si l’agence accepte de travailler avec toi. Tu peux aussi choisir de photographier des « mannequins » ou des « modèles » free-lance. La plupart du temps, ces modèles ne gagnent pas d’argent avec leur passion, ils demandent donc des « collabs» donc du travail gratuit. Certains d’entre eux tentent même de se faire rémunérer pour être photographiés.
Un jour, une jeune fille me demande :
Elle : « Ça te dirait de me photographier »
Moi : « Oui c’est 120€ la séance d’1h »
Elle : « Ah mais je ne vais pas payer pour être photographiée, c’est une passion la photographie pas un métier »
Moi : « Ok, je te photographie gratuitement et je couche avec toi »
Elle : « Mais je ne suis pas une pute ! »
Moi : « Ah mais je ne comptais pas te payer, c’est ta passion pas ton métier. »
Le photographe d’amateur en quête d’argent, tue la photographie.
Le photographe à temps partiel tue le métier de la photographie. Si tu veux être photographe, tu t’y engages à 200%, tu ne le fais pas à moitié. Si tu veux le faire à moitié pour conserver une sécurité financière en l’associant avec un travail à mi-temps, ne massacre pas les prix du marché. Oui, jeune homme, il y a un respect des autres qui, même s’il disparaît de jour en jour, existe encore. Fais en sorte de conserver au moins ce minimum de respect. Renseigne toi sur les prix du marché et pratique des tarifs normaux. En pratiquant tes prix bas, tu TUES la concurrence, tu TUES à petit feu des personnes dont la photographie est leur seul et unique métier. Il tente de vivre soit par choix, soit par manque de possibilité d’ailleurs. Il travaille tout les jours pour gagner de quoi vivre, de quoi manger, de quoi nourrir une famille.
Voila comment ça se passe dans la photographie du 21eme siecle. Soit tu te bats, soit on te baises. Ne te laisse pas abuser par des gens qui feront tout pour gagner la bataille des nerfs, de la pression et du rabaissement. C’est partout pareil et c’est encore plus vrai dans le milieu de la photographie. Tu te bats, tu respectes les gens qui font le même métier que toi et tu ne te prostitues pas pour gagner ton nom sur la place publique.
Pour finir, un conseil, ne te vends pas, vends ton travail.
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Constant Formé-Bècherat | Photographe
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Témoignage de Sylvain Norget, Photographe.
« Non seulement je soutiens cette initiative de Constant d’exprimer ainsi son raz le bol mais je m’y reconnais !
Récemment j’ai du batailler pour être payé lors de parutions dans des magazines qui ont largement les moyens de payer. Mes photos sont souvent utilisées pour la presse écrite et les webmags et si je ne surveille pas (et je ne peux pas tout surveiller parce que c’est impossible) je passe à côté de mes droits. Deux de ces droits sont régulièrement bafoués, le droit moral et le droit patrimonial. La presse connaît ces droits ou devrait les connaitre. Il y a quelques jours GRAZIA m’expliquait tranquillement que Canal+ leur avait envoyé une de mes photos en leur expliquant que celle ci était « libre de droit » (ce qui n’existe pas dans code de propriété intellectuel) de ce fait, ils n’avaient pas jugé opportun de me payer, me gratifiant tout de même d’un « on vous a crédité » : Heureusement que vous l’avez fait, la loi vous y oblige ! Parce qu’aucun photographe ne s’appelle « D.R » ! Il faut donc se battre pour toucher cette récompense qui est le paiement d’une publication. Imaginez un salarié qui devrait rappeler à son patron qu’en fin de mois, il serait fort agréable qu’il lui verse son salaire. Certes GRAZIA paye correctement, 400€ mais si vous ne les réclamez pas, ils ne vous le rappelleront pas car habituellement ils n’achètent pas de photos « non libres de droit »
Il faut se battre, c’est fatiguant, stressant mais nécessaire. Ce métier est passionnant, il nous fait rencontrer des gens étonnants mais il ne faut pas renoncer à nos droits. »