Le milieu rural ne se résume pas à la tradition et au folklore. Tel est le message des trois journalistes qui ont participé vendredi à la table ronde "Repenser l'information en milieu rural" du Festival international du journalisme de Couthures sur Garonne, avec comme invitées Sonia Moumen, Lola Cros et Odile Faure.
Les journalistes ruraux savent qu’ils sont souvent la clé pour montrer la richesse, la diversité et la complexité de ces régions. Ils servent ainsi de thermomètre pour mieux comprendre un pays marqué par de fortes coupures entre les grandes villes et les zones rurales, alors que 55% des journalistes sont concentrés en Île de France.
Six ans après la création de son média Champs Libres, sur l’art et la culture loin des villes, Sonia Moumen met en lumière la grande créativité qui existe dans les zones rurales. “On s’est proposé d’avoir une connaissance très fine du territoire par ses marges en faisant le pari de dire que dans les zones rurales il y avait une grande créativité et beaucoup d’innovation artistique et culturelle. Mais comme on est loin des pôles urbains, loin aussi des centres de décision médiatique, ces évènements passaient sous les radars. Il y a un terreau propice et pas que du folklore”, a défendu Sonia Moumen, membre du Club de la presse de Bordeaux. La preuve de son succès ? Son projet dure depuis six ans, alors qu’il n’était prévu que pour une seule année.
Lola Cros est la fondatrice du podcast Finta, qu’elle a lancé en 2020 dans l’Aveyron, avec pour objectif de proposer des rencontres avec des personnes travaillant dans la région, mettant ainsi en avant la créativité et le dynamisme qui existent dans les terroirs. Cependant, Lola Cros a souligné la précarité du travail. Dans son cas, elle finance son podcast grâce à ses piges pour la presse nationale et des ateliers pédagogiques. À ce jour, elle a réalisé 59 épisodes, un travail qui lui a permis de connaître l’Aveyron en profondeur.
La question de la concurrence avec les médias nationaux, qui fonctionnent plus rapidement et « surgissent » souvent aux heures de grande écoute, ne préoccupe pas vraiment ces journalistes, qui trouvent auprès de leurs collègues de la capitale une perspective complémentaire.
“On a besoin d’avoir des regards nouveaux qui viennent sur le territoire quand une actu l’impose. Ça fait du bien de voir son territoire traité d’un œil neuf. Moi je m’inscris sur des temps longs, j’aime bien dire qu’on est des vigies des signaux faibles, qu’on va traiter des sujets chaque jour quand la presse nationale va braquer ses projecteurs, nous on avance plutôt avec nos lampes torches tous les jours”, dit Lola Cros.
Odile Faure, directrice de l’agence Sud Ouest dans les Landes, a une vision différente de son journal, qui est bien ancré dans la région mais se considère aussi comme un média national, puisqu’il peut être consulté en ligne depuis n’importe où.
La journaliste se dit « assez fière » lorsque les articles de l’un de ses journalistes sont repris par d’autres médias ou lorsqu’ils font l’objet d’un scoop. Un autre domaine dans lequel les journalistes ruraux ont été des témoins importants ces dernières années est l’afflux de personnes en provenance de la capitale, une situation qui est devenue très visible au moment de la pandémie et qui pose des problèmes de mobilité, de logement, de pollution, etc. « Ce sont des questions que nous traitons quotidiennement« , a-t-elle déclaré.
« Ces changements sont parfois brutaux. Les Landes ont une population qui augmente, et ce n’est pas dû aux naissances, mais aux nouveaux arrivants« , ajoute Odile Faure, pour qui, même si c’est un signe positif pour un département, il y a des défis à relever pour les collectivités locales, qui tentent de trouver des solutions avec la population, qui est « plutôt accueillante« . « Mais dans les zones de tension immobilière, où il y a de la concurrence, on commence à voir dans les règlements approuvés par les intercommunalités, on s’approche des mesures de préférence territoriale« , précise Odile Faure, pour preuve de ces changements qui touchent son département au quotidien.
Les trois participantes à la table ronde, organisée par le Festival de l’Info Locale, ont souligné que dans les zones rurales « les sujets ne manquent pas« . Tant pour les formats d’information que pour le « slow media« , les journalistes du milieu rural confirment : « on ne s’ennuie pas !« .
María D. Valderrama