Le Club de la Presse de Bordeaux était invité à participer au Festival International de Journalisme de Couthures-sur-Garonne, du 14 au 16 juillet 2023. A cette occasion Richard Hecht, vice-président du club, a animé une table ronde autour de Sylvain Clament, Président de RFPI France.
Une matinée d’été au cœur d’un verger, les fruits d’une discussion autour de « l’incroyable histoire de Radio For Peace International (RFPI) » ont côtoyé des pommes et des châtaignes. Dans le cadre du Festival International de Journalisme de Couthures-sur-Garonne, Sylvain Clament, président de RFPI France, a raconté son engagement au sein de cette ONG à un public captivé.
Née en 1990 aux Etats-Unis, seule radio privée à utiliser les ondes courtes, RFPI diffuse de l’information visant à contrer la propagande dans des pays en guerre et/ou sous le joug d’une dictature. Ce faisant, elle procure un soutien et une rémunération à des journalistes empêchés d’exercer leur métier librement ; et éclaircie un paysage médiatique empêtré dans la censure. C’est en 2019 que Sylvain Clament contacte RFPI pour proposer de prendre part au projet. Ainsi est intégré à ce réseau international son home studio situé à Auros, en Gironde.
Les reportages et informations enregistrés par des journalistes présents sur place lui parviennent par messagerie cryptée, il réalise un montage correspondant au format de diffusion dont il dispose, puis les envoie vers l’antenne américaine de la RFPI d’où elles sont ensuite diffusées à l’international. Les ondes courtes sont un moyen de transmission radio extrêmement puissant (depuis Miami elles atteignent tous les continents à l’exception de la Chine) et particulièrement difficile à censurer, c’est pourquoi elles trouvent toute leur utilité dans des zones où la communication avec l’extérieur est rompue.
Très concrètement, les pays avec lesquels RFPI collabore actuellement sont la Russie, l’Ukraine et l’Afghanistan. Par exemple, des femmes afghanes racontent leur quotidien en reportages, les font parvenir à Sylvain Clament qui les monte en format de quinze minutes à Auros, avant de les transmettre à la World Radio Miami International, qui les diffuse pour qu’elles soient reçues en Afghanistan. Ainsi cette boucle simple et efficace contourne la censure du pouvoir taliban. Les ondes courtes ciblent une zone géographique large, ce qui fait que ces reportages, réalisés en farsi, sont écoutés en Iran également. RFPI ne collabore pas seulement avec les Etats-Unis, elle loue des tranches horaires à plusieurs radios nationales qui contrôle les émetteurs, TDF et RFI en France, la BBC au Royaume-Uni, entre autres.
Une fois les présentations, tant techniques que politiques, faites, la curiosité des participants à la table ronde s’est immédiatement manifestée. Le micro circulant librement, le public a pu assouvir sa soif de détails. Au fil des réponses, Sylvain a dessiné les enjeux qui façonnent cet ovni sur la scène médiatique internationale, et révélé comment la technique se mêle au géopolitique.
RFPI siège à la High Frequency Coordination Conference (HFCC) aux côtés des puissances globales (toutes les autres radios utilisant ces ondes étant des monopoles d’Etat) à l’occasion de conférences biannuelles lors desquelles elles se partagent les tranches horaires de diffusion. Sylvain a rappelé qu’après une utilisation importante des ondes courtes pendant la guerre froide, celles-ci ont perdu en influence face à la FM puis internet. Certains pays, comme la Russie, ont donc délaissé leurs infrastructures et ne sont plus aujourd’hui en mesure d’exister sur ce réseau. Cela démontre que, quels que soient les progrès techniques, l’impératif de résilience suppose de ne jamais mettre tous ses œufs dans le même panier.
Cette radio est soutenue par des fonds non-gouvernementaux, notamment américains, dans une moindre mesure, européens, étant intégrés à des budgets d’aides à des situations d’urgence, on comprend aisément que les premiers versements soient attribués à l’aide alimentaire ou humanitaire. Des associations soutiennent également cette radio, notamment le Club de la Presse de Bordeaux.
Différents formats occupent les ondes de RFPI, des reportages bien sûr mais aussi, des informations d’urgence (comme après les bombardements de Kiev), de la formation (à l’attention de citoyens ou de journalistes sur la sécurité numérique) et de nombreuses pistes d’évolutions sont explorées par ce réseau, des retours satellites offrant la possibilité d’une interaction entre le diffuseur et son audience, des tests sont en cours au Bénin pour diffuser, outre les formats audio, des données.
Richard Hecht a conclu par des paroles empruntées à Leonard Cohen « il y a une faille en toute chose, c’est par là qu’entre la lumière ». Sylvain Clament a une double, voire une triple vie : il est infirmier et produit du miel dans son jardin. Mais il a réussi à trouver une faille dans un emploi du temps chargé, il l’utilise pour profiter d’une autre faille, dans le mur de la censure, et à travers celle-ci s’écoule un son qui éclaire les endroits les plus sombres de notre planète, pour le plus grand bien de l’humanité.
Jordi Lafon
L’intégralité du débat :