Retour sur la quatrième table ronde. Consacrée à la protection des sources et sa mise à l’épreuve en France, elle avait comme invitées Ariane Lavrilleux et Pauline Delmas.
“On ne vend pas non plus des chocolats !” Ariane Lavrilleux, journaliste chez Disclose invitée pour cette table ronde, lance cette boutade à propos des personnes ou entités pouvant nuire au travail des journalistes d’investigation. Qui mieux qu’elle connaît le sujet de cette table-ronde “La protection des sources : un principe mis à l’épreuve” ? Interrogée par Owen Huchon médiateur de cette discussion, la première question est lancée à la journaliste ainsi qu’à Pauline Delmas, juriste de l’association de défense des droits humains Sherpa. “Comment assurer la préservation de la protection des sources ?” Installés confortablement dans les canapés qui font face au public, ils entrent dans le vif du sujet en prenant pour exemple le cas d’Ariane Lavrilleux.
En 2021, la journaliste publie une enquête sur l’opération Sirli grâce à des documents classés sous le mystérieux niveau « secret défense ». Le journal révèle que la France aurait fourni des renseignements militaires au régime égyptien afin de « lutter contre le terrorisme » en 2016. Le régime dictatorial d’Al Sissi aurait alors utilisé ces informations pour cibler des contrebandiers civils.
“Une épée de Damoclès au-dessus de ma tête”
La révélation de la possible complicité de la France dans ces crimes contre l’humanité a valu à la journaliste une perquisition à son domicile ainsi qu’un placement en garde à vue durant deux jours par la DGSI (Direction générale de la Sécurité intérieure) pour remonter jusqu’aux sources du journal. L’enquête de la DGSI est toujours en cours sans plus d’informations du côté de l’intéressée, une véritable épée de Damoclès au-dessus de sa tête selon elle.
“Ma garde à vue est légale grâce à une loi du quinquennat Sarkozy : La Loi Dati”. Datant du 4 janvier 2010, elle modifie la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Notamment sur le volet “protection des sources” à l’exception du secret défense. C’est par le principe de “l’impératif prépondérant d’intérêt public” que l’État peut lancer des enquêtes sur les sources des journalistes. Sans contrôle d’un juge d’instruction ni voie de recours possible, sauf si des éléments sont versés au dossier : “le secret défense écrase tout !” lance Ariane Lavrilleux.
Depuis sa mise en vigueur, 17 journalistes, ont été inquiétés par celle-ci. Du côté des lanceurs d’alerte, la loi protège ces derniers de poursuites pénales et des licenciements… à part pour le secret défense. “C’est prometteur, mais limité” estime la juriste Pauline Delmas. Particularité française en Europe, le parquet est relié au ministère de la Justice. Ariane Lavrilleux déplore cette situation “Je trouve ça triste que la France se cache derrière. C’est la justice, c’est indépendant ! ”
Texte : William Jean et Mathis Maudet, étudiants au sein du programme LaChance Media
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