Les médias ont aussi le droit à leur introspection. Le Festival Imprimé s’est ouvert par un débat brûlant sur la banalisation de l’extrême droite dans les médias.
Que faire du traitement médiatique de l’extrême droite à l’heure de la banalisation ? Quels sont les ressorts de cette dernière ? Ce sont les questions que Simon Barthélémy, co-fondateur de Rue 89 Bordeaux et co-président du Club de la Presse, a posé à Nassira El Moaddem (Arrêt sur Images), Youmni Kezzouf (Médiapart) et Christophe-Cécil Garnier (StreetPress).
Plus de violence, moins de nuances
« Aujourd’hui, il y a une bascule qui s’est faite », constate Christophe-Cécil Garnier. « Les militants sont beaucoup plus violents. Avant ils le montraient moins, il y avait cette volonté de se normaliser, mais maintenant que ces idées et discours sont omniprésents dans notre société, ils peuvent avancer à visage découvert ».
L’avancée à visage découvert de ces idées, Nassira El Moaddem l’a constaté malgré elle le 30 avril dernier suite à la décision de la Fédération Française de Football d’interdire le port du casque et du collant sur les terrains, décision validée par le Conseil d’État pour éviter « tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale lors des compétitions sportives ». « Pays de racistes dégénérés. Il n’y a pas d’autres mots. La honte », avait alors retweeté la journaliste d’Arrêt sur Images.
Dès lors, malgré le soutien du reste de la profession, la machine à broyer s’est enclenchée, menant à une campagne massive de cyberharcèlement soutenue par les médias de la sphère Bolloré et les responsables politiques de l’extrême droite française, appelant même à son expulsion du territoire. « Non, je ne regrette pas, j’ai bien fait d’écrire ça », répond Nassira El Moaddem. « Tous les jours il y a une annonce, un propos, une agression verbale antisémites, racistes ou encore islamophobes, j’en ai marre en fait ».
« Aujourd’hui il y a des gens dans les rédactions, dans les médias, qui épousent et adhérent aux thèses racistes et islamophobes de l’extrême droite », s’est insurgée la journaliste.
Je suis ton ami…
Si les partis politiques d’extrême droite ouvrent désormais leurs portes à l’ensemble des médias (exception faite de Quotidien), la difficulté à obtenir des réponses persiste encore. « Nous voyons une quantité de journalistes sympathiques, qui traitent avec obséquiosité la matière. C’est un mal du journaliste politique, ce n’est pas lié qu’à l’extrême droite », observe Youmni Kezzouf.
Pour illustrer la starification du très médiatique Jordan Bardella, candidat tête de liste du Rassemblent National pour les élections européennes, Nassira El Moaddem s’est appuyée sur plusieurs séquences télévisées. L’une d’entre elles, un lapsus à la lecture de la Une de Libération du 22 avril, « Comme un poison (lu poisson N.D.L.R) dans l’eau » de la part du présentateur de la matinale de TéléMatin Jean-Baptiste Marteau, lançant un sujet sur le succès du candidat sur le terrain. « C’est un piège qui se referme sur les médias. Les personnes que l’on voit autour de Jordan Bardella, ce sont des militants. Ce qui m’interroge, c’est que les médias soient pris dans ce piège de la communication et qu’ils ne donnent pas de contexte aux téléspectateurs », a réagi Youmni Kezzouf.
En effet, « ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que le chef de cabinet de Jordan Bardella, sur un marché couvert, va voir trois commerçants, sur les vingt-cinq, qu’il a repéré la veille et qu’il sélectionne. Ça fait de très belles images », se souvient Youmni Kezzouf, en charge du suivi de l’extrême droite politique pour Médiapart.
Texte : Paul Bureau, journaliste et membre actif du Club
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Sources :
https://twitter.com/JulienOdoul/status/1785924611747500336
https://twitter.com/NassiraELM/status/1785352467795910884
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