La place des femmes dans les médias   « Peut mieux faire »     « Je ne fais pas de discrimination positive, par principe. Quand les femmes sont prêtes, on va les chercher ». Les propos de Ruth Elkrief, journaliste éditorialiste à BFM TV sont clairs, même si elle reconnait volontiers que les émissions de débat à la lire la suite

La place des femmes dans les médias

 

« Peut mieux faire »

 

 

« Je ne fais pas de discrimination positive, par principe. Quand les femmes sont prêtes, on va les chercher ». Les propos de Ruth Elkrief, journaliste éditorialiste à BFM TV sont clairs, même si elle reconnait volontiers que les émissions de débat à la télévision manquent souvent de femmes. Les chiffres parlent d’eux mêmes : 20 % de femmes expertes dans les médias alors que ces dernières représentent 52% de la population. La place des femmes dans les médias, du moins pour ce qui est des personnalités invitées est encore assez faible. Tel est le premier constat évoqué lors du débat organisé dans le cadre des dernières Assises Internationales du Journalisme et de l’Information[1],   par Ségolène Hanotaux, journaliste-réalisatrice, porte-parole du collectif de femmes journalistes « Prenons la une ». Mouvement qui s’est constitué, il y a quelques mois, à partir d’une action symbolique, -une grève des signatures-, conduite par les femmes journalistes des Echos pour protester contre l’absence de femmes dans les postes d’encadrement de la rédaction du quotidien économique.

Comment expliquer cette « invisibilité » des expertes dans les médias, alors que ces derniers, comme le souligne Eric Neveu, ne sont pas forcément machistes[2], pas plus que d’autres secteurs industriels en tout cas ? Pour L’éditorialiste de BFM « les femmes viennent seulement quand elles ont quelque chose à dire ». Et d’ajouter : « Les femmes pensent parfois que ce n’est pas indispensable de passer à la télévision alors que les médias organisent l’appréhension du monde. Mais, il faut aussi dédramatiser le passage à la télévision ».

Si la télévision accueille peu de femmes en tant qu’expertes, c’est pire encore à la radio selon les chiffres fournis par Dominique Fackler d’Ina Stat. Pour Marlène Coulomb-Gully, professeure en Sciences de l’Information et de la Communication et spécialiste de la représentation du genre dans les médias, « la voix est une des raisons expliquant cette situation ». Sans doute. Mais insuffisant, à nos yeux pour justifier cette situation.

Pour Thierry Thuillier, directeur des programmes de France 2 « Le service public doit être représentatif de la diversité des individus. Nous devons nous adresser à toutes les catégories de la population. Sans doute qu’au sein des médias, certains journalistes et en particulier les personnes qui ont des responsabilités éditoriales et gèrent les plateaux TV agissent par conformisme et vont chercher en priorité les experts les plus connus. A France Télévision, nous sensibilisons les cadres à cette question, nous nous appuyons sur les guides des experts. C’est aussi une question de formation. »

« Pas de déterminisme biologique »

Les expertes sont en minorité dans les médias, en revanche la profession journalistique est de plus en plus féminisée, bien que la parité ne soit pas atteinte surtout dans les postes de direction. « Le métier est particulièrement prenant et difficile, souligne Annette Young, journaliste et animatrice de « The 51 Percent » sur France 24, et ne permet pas toujours de concilier vie privée et vie professionnelle ». « Les femmes ne se sentent pas toujours prêtes et disponibles, ajoute le directeur des programmes de France 2, il faut souvent les persuader et les encourager à accepter des fonctions d’encadrement ». Pour Donna Taberer de la BBC Academy, « Les femmes se croient souvent moins qualifiées que les hommes. Dans leur esprit, un homme est toujours meilleur ». Les femmes auraient donc moins envie du pouvoir que les hommes ? Réponse de Ruth Elkrief : «  je ne me suis jamais vraiment projetée dans une stratégie de pouvoir. Je voulais avant tout me faire plaisir ». Sans doute aussi il faut-il éduquer autrement les filles et leur donner envie du pouvoir.

Exercer le pouvoir (dans les médias et ailleurs) pour les femmes, n’est pas illégitime. La place des femmes à la direction des médias n’est pas seulement une affaire de quotas. «  Ils ne sont qu’un outil de management » confirme Thierry Thuillier. Certes, les bouleversements économiques, technologiques et organisationnels qui traversent les médias aujourd’hui pourraient ramener la question de la place des femmes au second plan. Cependant, comme le souligne Marlène Coulomb-Gully «  Il n’y a pas de déterminisme biologique. Le fait d’avoir des testicules ne fait pas qu’on doit avoir le pouvoir. Or c’est souvent ce qui se passe un peut partout. Dans les médias, la question est sensible. Ils restent des forces structurantes dans la représentation des hommes et des femmes ». La place des femmes dans les médias, même si cela évolue surtout dans la presse audiovisuelle, reste donc un véritable enjeu.

Marie Christine Lipani

Chercheure en journalisme

Directrice adjointe de l’IJBA

[1] Ces Assises se déroulaient à Metz les 16, 17 et 18 octobre derniers.

[2] Eric Neveu, « le genre du journalisme. Des ambivalences de la féminisation d’une profession », revue Politix, volume 13, n° 51, 2000, pp. 179-219

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