Nouveau sur le site du Club : les billets d'humeur "En Aparté". Chaque mois, la parole est à nos adhérent·e·s journalistes, qui s'expriment sur leur vision de la profession de l'information.
Depuis de longs mois, les annonces concernant les réductions d’effectifs s’accentuent dans le monde des médias, à l’international comme au local.
Dernière en date qui nous touche de près- le quotidien régional Sud-Ouest-dont la situation nous interpelle en tant que collègues ou ex-collègues mais aussi en tant que citoyens tant nous nous sentons solidaires des salariés que ces mesures ne vont pas manquer de toucher.
Nos médias reconnus ont de tout temps été rentabilisés par des revenus publicitaires. Ce modèle économique arrive à son point de rupture. On ne peut pas revenir en arrière lorsque l’on sait qu’aujourd’hui, Google, Amazon , You tube et consort attirent à eux seuls les trois quarts des revenus publicitaires de la planète.
Les fameux Etats – Généraux de l’information avancent t-ils à la vitesse nécessaire pour contrecarrer un phénomène qui parait inexorable ? Que faisons – nous pour adapter à une nouvelle donne que nous avions bien vu venir mais à laquelle on croyait pouvoir résister ?
Face aux « déserts de l’information » qui s’étendent à grande vitesse, nous pourrions bien en arriver à constater un beau (?) jour que la pluralité de l’information est de l’ordre du souvenir et que nous en sommes réduits à dépendre des réseaux sociaux pour obtenir de l’information.. Mais quelle information ?
Affaiblis en tant que salariés nous devons aussi faire face à un problème de perte de confiance du public à l’égard des médias et des journalistes. En France près de la moitié du public remet en cause la véracité de l’information véhiculée par les médias traditionnels. Quant au mode d’accès à l’information, il a changé également. Il n’est qu’à circuler dans les transports publics pour constater que la plupart de ceux qui lisent des articles le font en diagonale, sur leurs mobiles, et que ces articles sont généralement relayés par leurs réseaux sociaux préférés. Ce ne sont plus les médias qui choisissent quelle info mettre en avant mais bien des agrégateurs de contenus qui mettent certains sujets en vedette. Cliquez donc, vous serez informés ! Sans parler de la présence envahissante de commentateurs de toutes sortes qui s’intitulent eux même spécialistes et aux influenceurs dont les objectifs n’ont rien à voir avec l’intérêt public. Malheureusement, une partie non négligeable de l’opinion se construit dans cette zone grise où plus personne ne sait qui est journaliste et qui ne l‘est pas, et ce qui différencie les infos véritables des fake news.
Ces nouveaux modes de sélection de l’information laissent la porte ouverte à toutes sortes de manipulations en mettant la démocratie en danger. On le constate tous les jours, chez nous comme ailleurs. Jouer les pleureuses n’y changera rien. Pas plus que de rester dans l’attente d’une manne providentielle qui ne sera pas salvatrice dans la durée. « Et l’I.A « ? disent certains, « va-t-elle nous remplacer demain » ? Elle le fait déjà, souvent à notre insu. Et si la réponse était : « Elle peut améliorer notre travail, comment l’utiliser à notre profit » ? Il est temps de se retrousser les manches, de réfléchir ensemble, de prendre à notre compte une part du problème.. Nous avons commencé à le faire en initiant un partenariat avec divers acteurs sur un travail d’éducation aux médias permettant à chacun de s’y retrouver dans la jungle de l’information. Un peu moins d’esprit de clocher pourrait nous aider aussi à nous aider nous-mêmes.
Claude Ader-Martin