Je crois qu’il faut oser l’avouer: nous sommes un certain nombre de journalistes qui avons vécu du fait divers. C’est ce qui faisait affluer les auditeurs ? peut être, mais pas que… Aujourd’hui, voir comment certains se privent d’une manne importante me sidère. On tord le nez, on ne le traite que si c’est du lire la suite

Je crois qu’il faut oser l’avouer: nous sommes un certain nombre de journalistes qui avons vécu du fait divers.
C’est ce qui faisait affluer les auditeurs ? peut être, mais pas que…

Aujourd’hui, voir comment certains se privent d’une manne importante me sidère.

On tord le nez, on ne le traite que si c’est du « fait de société » !

Or le fait divers, c’est la société, c’est la matière de la vie, ce qui nous interpelle, nous fait parler, nous inquiète ou nous irrite.

Sans compter que c’est la plus formidable école d’écriture. Bien raconter… fait divers, match de foot ou la success story d’une entreprise… c’est la même chose, le roman de la vie.

Un homme qui grimpe en haut d’une grue pour crier son désespoir parce qu’il vient de perdre son emploi, est-ce plus ou moins noble qu’un ado enfumé qui rate un virage et tue trois autres camarades retour de soirée ?

Au colloque d’AQUI on a donc entendu des choses étonnantes : supprimons la carte de presse, ne faisons plus de fait divers, et… de la part d’étudiants: « je ne lis pas le journal ».

On avait envie de dire: regardez les résultats de la diffusion et des audiences et arrêtez de vous tirer des balles dans le pied.

Allez, ne nous renvoyons pas les « on ne mange pas de ce pain là à la tête ! »

Peut être, simplement, faut il s’entendre sur le sens et la portée des termes ?

Fait divers : s’il s’agit du sein de Nabila qui s’échappe du décolleté, de la  » nuit d’horreur » de la famille passée à la tronçonneuse, OK  » presse de caniveau ». S’il s’agit de l’aide soignante violée et étranglée par le récidiviste dont elle avait la charge, c’est différent ? Non ?

Le journaliste est bien là précisément pour mettre en perspective ces infos. Livrées au hasard, répétées en boucle, elles donnent une impression de morbide obstination. Modérées ( comme les commentaires) dosées, éclairées, elles peuvent révéler les coins cachés de l’actualité et de la réalité.

Justement, pour faire ce travail, le journaliste a besoin de formation et de diplôme. C’est actuellement la  seule profession où l’on puisse s’instaurer « critique gastronomique », littéraire, ou commentateur sportif, sans avoir jamais rien étudié ou prouvé.

Si la carte de presse paraît un système injuste et restrictif, c’est parce que les critères d’attribution sont actuellement d’ordre strictement économique. Un patron de presse (organe d’information légalement reconnu) décrète que vous gagnez tant pour faire du journalisme et c’est officialisé…Modifions les critères. Introduisons la formation, l’expérience, la valeur « talent », élargissons aux nouveaux médias non traditionnels, mais surtout ne supprimons pas la carte !

(Feriez-vous confiance aux médecins auto-proclamés ?  Certains il est vrai le font.)

Quant à ne pas lire le journal pour ne pas se laisser influencer par de vieux modèles …no comment.

Le journalisme est un métier.

Relayer les communiqués pompeux des producteurs d’événements culturels; coller à l’agenda de la communication; rendre compte du dernier banquet des élus pour leurs électeurs du quatrième âge; croire que l’inauguration d’un nième tronçon d’autoroute fait avancer la société…n’est ce pas plutôt ce manque d’indépendance et de créativité qui a lassé le lecteur et le spectateur ?

Pourquoi payer pour cela ? Se dit-il. Pourquoi ouvrir le poste pour entendre les mêmes gens se congratuler, ou les mêmes invités tourner en rond ?

Entre le trash et la servilité il doit bien y avoir un juste milieu qui s’appelle le journalisme ?

 

Marie Christiane Courtioux

carte 32590

 

– Je m’étonne que parmi les modèles économiques, personne n’ait été invité à évoquer celui de la radio.

La radio est le premier média en termes de public. Un média gratuit pour l’auditeur. Il vient, il repart, il est libre. La durée d’écoute est aussi décisive que l’acte d’achat d’un journal.

Certaines radios ont réussi à franchir les décennies (ex: RTL) avec les mêmes recettes.

De la bonne musique, de la bonne info, de belles signatures, une capacité à s’adapter au rythme du  » breaking news », puis d’en faire des débats avec la participation d’experts, du public, menés par des journalistes compétents.

Cette bonne info est attendue aux moments clés de la journée. petit matin, mi-journée, début de soirée.

Elle est servie en plat de choix. Nullement dévalorisée par le programme qui l’entoure: musique, « entertainment », publicité.

Si ces ressources ( qui ne sont pas annexes) permettent de s’offrir des grands reporters, des commentateurs politiques de premier choix, des experts qualifiés, une rédaction étoffée, pourquoi s’en priver ?

Immédiateté, développement d’un environnement ludique au delà des traditionnels mots croisés et sudoku ( jeux agréables,  intelligents et bien dotés ), toile de fond de « plaisir » ( belles photos couleur , infographies astucieuses, par exemple ), c’est ce qui a manqué à la presse pour capter et retenir son lecteur. Elle est en train de mettre les bouchées doubles pour rattraper ce retard.

L’irruption de l’internet lui a fait prendre conscience que ce ne sont pas les activités lucratives annexes qui suffisent à conserver le lectorat, c’est le média, lui même, qui doit en être truffé.

L’info est sacro sainte, pour sa déontologie, sa rigueur, sa créativité.  Mais le paquet cadeau doit être le plus beau, le plus accueillant, le plus excitant possible.

Certaines chaînes de télévision, et pas seulement la presse,  feraient bien de se poser aussi la question. Le rapport entre les niveaux:

1 / Il vient de se passer ceci. On le signale comme une alerte info. 2/ Et  NOUS, on développe ceci, car ce sujet nous semble intéressant, majeur, utile, etc…

Cet équilibre n’est pas totalement maîtrisé.

Bien géré, il permettrait de réconcilier les tenants de l’info « intelligente et citoyenne » et ceux du fait divers, et d’éviter au lecteur-spectateur le sentiment, dans un cas, d’être pris pour un ignare et d’être mis hors jeu, dans l’autre, d’être assommé par une avalanche de drames glauques qui font appel à la curiosité la plus malsaine.

Sauf à avoir la science infuse, ce dosage s’apprend aussi dans les écoles… et sur le tas.

 

 

 

 

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