Les 4 et 5 février derniers, le « Climat Libé Tour » organisé par le journal Libération faisait étape à l’Université de Bordeaux, sur le campus Victoire. Au programme, une série de débats, de conférences et d’ateliers pour décrypter et analyser les défis de demain. Le 1er jour se tenait une conférence sur le thème « le climat face au fake news ? ». Florian Gouthière, journaliste scientifique au service CheckNews de Libération, animait cette rencontre.
Checknews est un service de « journalisme à la demande » qui a pour objectif de répondre aux questions des lecteur.rices à partir de factchecking (c’est-à-dire de vérification d’informations a posteriori). Ce service créé en 2017 propose également des états des lieux et des enquêtes rapides d’initiative. « On écrit pour des gens qui ont besoin d’avoir des arguments sourcés sur un sujet », précise Florian Gouthière.
La lutte contre les infox sur le climat
A l’heure où les crises climatiques se multiplient, nombreux.ses sont les lecteur.rices de Libération qui sollicitent ce service pour des questions liées à l’environnement. Les années 2020 et 2021 ont été marquées par la pandémie mondiale du coronavirus, ce qui a multiplié considérablement l’activité de Checknews. A cette période, 96% des questions des lecteur.rices concernaient la pandémie. Mais l’équipe d’une dizaine de journalistes avait aussi constaté une forte hausse des questions liées à la crise climatique.
C’est réellement en 2022 que la demande va évoluer en ce sens. Le factchecking vit une transition importante avec les temps forts des élections présidentielles mais aussi de la publication des rapports du GIEC. Entre doutes quant à la fiabilité des programmes présidentiels en matière d’environnement et interrogations sur le traitement de l’information climatique, les services comme Checknews sont de plus en plus amenés à répondre aux critiques des lecteur.rices sur la fabrique de l’information des médias. « Les médias mentent-ils lorsqu’ils affirment que les ouragans deviennent plus fréquents et plus intenses ? » ou encore « Pourquoi Libé, comme d’autres journaux, illustre encore parfois des articles sur la canicule avec des photos de bronzette ? » sont les questions marquantes qu’a reçues Florian Gouthière et ses collègues.
Le journaliste nous explique la difficulté de leur travail au quotidien pour répondre au mieux à des questionnements qui appellent une certaine expertise scientifique. C’est pourquoi, Libération s’est constituée tout un réseau de journalistes scientifiques comme Florian Gouthière, mais aussi des chercheur.ses et autres spécialistes pour travailler en étroite collaboration sur ce type de publications.
La responsabilité collective des médias face aux actualités liées à l’urgence climatique
Depuis quelques années, les différentes grandes entreprises de presse se sont mises à proposer un service de factchecking, en réponse au phénomène grandissant des fakenews. Loin d’être coordonnés : chaque média a sa propre stratégie d’enquête et adapte son service à sa ligne éditoriale.
Le débat sur la coordination de ces services est toujours d’actualité mais le pluralisme des médias reste l’argument irréfutable. D’autant plus que cette coordination serait compliquée par le public cible qui diffère selon les médias et qui apprécie un style journalistique propre à son média d’attache. Les rédactions se rassurent néanmoins en constatant que leurs différent.es journalistes travaillant dans ce type de service arrivent bien souvent à la même finalité sur une même question. L’absence de coordination n’empêche donc pas le consensus, notamment lorsqu’il s’agit d’urgence climatique. « Les constats des uns vont affiner les constats des autres », affirme Florian Gouthière.
Le factchecking est également victime de l’imaginaire qui lui est associé depuis qu’il a pris une place importante dans le paysage médiatique. L’opinion publique a tendance à considérer que le factchecking consiste uniquement à répondre par « vrai » ou par « faux » à une affirmation tirée d’un discours politique ou médiatique par exemple. En réalité, ce type de journalisme vise davantage à mettre en avant les nuances d’une affirmation et à en soulever toutes ses complexités et zones de tension. Avec les informations liées à l’urgence climatique, l’enjeu pour Checknews est d’apporter un argumentaire de nuance pour montrer la complexité des enjeux climatiques.
De l’importance de l’incertitude
Florian Gouthière conclut cette rencontre par une réflexion plus philosophique sur l’enjeu du traitement de l’information liée à l’urgence climatique. En tant que journaliste scientifique, il perçoit les sciences comme « l’équilibre entre l’enthousiasme et la prudence ». Le principe : être enthousiaste à l’idée de diffuser une découverte tout en restant prudent car une avancée scientifique doit être accompagnée d’un bagage conséquent de preuves irréfutables.
« Il faut éduquer à l’incertitude et que les gens soient plus à l’aise avec le fait de ne pas savoir » seront ses derniers mots. Dans la lutte contre les fakenews et la désinformation, il est essentiel de remettre en question ce que nous pensons savoir. »
_________
Recommandations liées à cette thématique :
https://chartejournalismeecologie.fr/
https://www.liberation.fr/checknews/
_______
Emma GUILLAUME
@EmmaGpro Twitter
Etudiante à l’Institut de Journalisme de Bordeaux Aquitaine et représentante des étudiant·es en journalisme pour le Club de la Presse de Bordeaux Nouvelle-Aquitaine.