Le Bus de Reporters sans frontières (RSF) était de passage en Gironde ce mardi 29 mars. D’abord, pour des « Cafés de la presse » à Créon puis Bordeaux, avant de tenir une « Assemblée citoyenne » au Marché des Douves bordelais. Le Club était présent à cette soirée, et souhaite adresser une lettre ouverte à l’ONG.
Le Club de la presse de Bordeaux-Nouvelle-Aquitaine, composé de 600 adhérents, journalistes et communicants a apporté son soutien logistique et humain à Reporters Sans Frontières (RSF), dans le cadre de l’opération Bus RSF pour le droit à l’information. Le Club était partenaire avec les organisateurs au même titre que l’Union des clubs de la presse de France et Francophone, les Assises du journalisme, le Clemi, France Télévision, France 3, France Bleu, l’Association pour l’éducations aux médias, Culture Presse et France Messagerie.
Parmi les 20 villes de France retenues pour son périple hexagonal, les représentants de l’ONG ont stationné mardi 29 mars à Bordeaux, sur la place de la Victoire. Ils ont ensuite organisé une assemblée citoyenne en fin de journée au marché des Douves. En partenariat avec le groupe Onepoint, une étude d’opinion est menée à chaque étape pour recueillir les propositions exprimées. Au terme de cette tournée, RSF publiera un Livre blanc sur les attentes des Français à l’égard du journalisme et des médias.
Si l’intention et la démarche ne recueillent pas d’attention particulière, la méthode employée ne nous laisse pas indifférents. Le Club a été sollicité pour participer à l’évènement. Mais le Club n’a pas eu connaissance, au préalable, des modalités de déroulement de cette assemblée dite citoyenne. Le Club n’a pas, non plus, été présenté. Son représentant et la vingtaine de participants, tous munis d’un carton rouge et vert, furent donc invités à se prononcer sur la question : « Et si demain les citoyens créateurs de contenus utiles étaient certifiés, seriez-vous prêts à leur faire confiance ? »
« D’utilité publique » ?
La diapositive suivante montrait une carte de presse professionnelle transformée en « carte d’utilité publique » pour permettre aux citoyens certifiés d’utilité publique de relayer des informations utiles comme les journalistes. Le procédé volontairement provocateur utilisé par le groupe Onepoint nous étonne, nous nous interrogeons surtout par l’impact produit sur les publics rencontrés lors de ces 20 étapes.
Nous aussi ouvrons la discussion hors et dans les murs avec les citoyens. En novembre 2015, aux côtés de Sud Ouest et de l’Observatoire de la déontologie de l’information, nous avions questionné une salle bien remplie à la Bibliothèque Mériadeck : « Pourquoi vous ne nous aimez plus ? » Nous avons, dans les locaux du Club à Bordeaux, organisé un débat avec quelques-uns des représentants des Gilets jaunes et des journalistes, au début du mouvement. Certains de nos membres s’impliquent régulièrement dans des actions d’éducation aux médias, au sein d’écoles ou d’associations. D’autres s’investissent contre la précarité et l’ubérisation d’une profession malmenée. C’est dans ce contexte que la formulation utilisée mardi à Bordeaux n’est pas seulement maladroite et punchy, mais dangereuse. Elle contribue à fragiliser le travail entrepris par beaucoup, dont le Club. C’est une provocation assumée par ses promoteurs mais insupportable pour les journalistes qui essaient d’obtenir la carte de presse ou de la conserver.
Fin décembre dernier, les administrateurs du Club de la presse se réjouissaient de la parution du décret introduisant, dans les critères d’accès aux aides fiscales et postales, l’exigence, pour les journaux, de présenter un contenu original composé d’informations ayant fait l’objet d’un traitement à caractère journalistique. Cette semaine, nous déplorons le coup porté à la profession par RSF, une ONG dont nous relayons et saluons régulièrement l’engagement.
Nous ne pouvions cautionner cette mise en cause théâtrale – glissante ! – de la carte de presse et du rôle social et démocratique des journalistes.