« Le burn-out sévère résulte de la rencontre entre une trajectoire professionnelle et la trajectoire du groupe dans laquelle elle se déroule », définit le coordinateur des soins PsyPro-Lyon,Yves Kossovsky. Parmi ses patients, plusieurs journalistes qui réunissent plusieurs facteurs de risques communs : un enthousiasme idéaliste pour le métier, parfois adossé à un sentiment de pionnier (par exemple aux débuts du web).
Superposés à une non maîtrise de son organisation et à une très forte charge de travail sans mesure avec les moyens et ressources alloués, ces facteurs peuvent provoquer un burn-out. « Le burn-out est une maladie du stress. Or l’être humain a la même génétique depuis 70 000 ans : il est bien équipé pour le stress aigu, qui provoque des décharges d’adrénaline adéquates pour sauter sur une proie ou pour fuir. Mais de façon répétée, le stress déclenche une libération de cortisone, délétère pour ceux qui en ont tout le temps », explique-t-il.
La décompensation peut alors être brutale, avec l’impossibilité de pouvoir remettre le pied dans sa rédaction, comme en témoigne Laurence Creusot, aujourd’hui journaliste à l’ESJ-Pro. Face au phénomène, la réaction des directions est déterminante. Secrétaire SNJ à la commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) de Radio France, Marie-Laurence Dalle raconte les difficultés à faire reconnaître par la direction une expertise risques graves. « Il nous a fallu 2 ans pour en avoir les résultats, qui sont sans appel : sr 1847 salariés qui ont répondu au questionnaire, dont 27 % de journalistes, 56 % des journalistes déclarent travailler plus de 42 heures par semaine (sur une base hebdomadaire de 40 heures), 97 % sont confrontés à un travail trop intense. 63 % estiment que leur travail est mauvais pour la santé. La situation des journalistes en CDD ou rémunérés à la pige est la plus critique », souligne-t-elle. Les problématiques de burn-out, souvent sous forme d’incapacité des salariés, avaient explosé en 2015 « avec la mise en place d’un contrat d’objectif et de moyens qui a imposé des coupes budgétaires, notamment une baisse de 25 millions d’euros de la masse salariale », poursuit-elle.
Après des débuts tout feu tout flamme qui se sont traduits par quelques burn-out, Mediapart a, de son côté, déployé un champs d’actions pour prévenir les risques psycho-sociaux. Formation des managers intermédiaires à leur fonctions d’encadrement, accord collectif sur le temps de travail, vigilance de la DRH sur le temps de travail et la déconnexion, transparence des salaires et nombreux échanges pour garantir un bon climat au travail, formation à la façon de se parler et de s’écouter pour que les gens osent parler, dialogue social nourri et pétri de coconstruction… font partie de la panoplie d’actions déployée. « Il est vrai qu’avec 130 salariés, nous sommes une petite structure. Quatre personnes sont affectées aux ressources humaines. Dès que quelqu’un décèle un coup de fatigue ou tout autre signe, il y a toujours quelqu’un pour nous alerter », avance Cécile Sourd, directrice générale de Médiapart.
Individuellement, c’est aux managers – souvent mal ou pas formés aux postes d’encadrement – mais aussi aux collègues d’être attentifs à tout un chacun. « Le comportement d’une personne qui se met souvent en colère, se fâche avec ses collègues, fuit les relations interpersonnelles pour s’enfermer dans la seule technique de son travail doit alerter », met en garde Yves Kossovsky.
Gaëlle Ginibrière