C’est un panel de différentes initiatives en matière d’éducation aux médias et à l’information (EMI) que sont venus présentés aux Assises du journalisme de Tours des acteurs venus du Liban, du Québec, du Cameroun ou de Belgique. Si les ressources et l’appui des pouvoirs publics locaux divergent fortement, l’engagement fort des journalistes pour lutter contre la désinformation et éveiller l’esprit critique des plus jeunes reste un point commun fort de ces démarches.

Au Québec, le Centre québécois d’éducation aux médias et à l’information (CQEMI) a été
lancé sous le mandat Trump en 2018, en réaction aux fake news alors colportées par le président du
voisin américain. « 70 journalistes sont engagés dans la démarche, jumelés dans un premier temps
avec des établissements secondaires (14-17 ans) sur l’ensemble de la province. Nous sommes déjà
intervenus devant plus de 40 000 jeunes auprès de 500 établissements, avec un rythme moyen de
300 ateliers par an
 », se félicite Line Pagé, présidente du conseil d’administration du CQEMI.
La Belgique peut elle compter sur un Conseil supérieur de l’éducation aux médias, créé par
le Parlement en 2008, qui déploie des micro-projets d’EMI dans les écoles, coordonne des actions
dans le cinéma ou dans les établissements scolaires et collabore au nouveau plan d’éducation aux
médias élaboré par le gouvernement.
Au Liban, c’est la fondation Samir Kassir, qui accompagne le développement des médias
indépendants, documente les atteintes à la liberté des journalistes et des artistes locaux et les
accompagne sur le plan juridique qui a développé le projet d’EMI Manga. « Il s’agit d’ateliers pour
sensibiliser les 13-15 ans à la désinformation en travaillant sur le support du manga, avec des jeux
de rôle et une diffusion des bonnes pratiques pour la navigation en ligne
 », détaille Sarah Jacquin,
chargée de projet à la fondation Samir Kassir.
Blaise Pascal Andzango, a lui cofondé en 2017 l’association camerounaise Eduk-Média,
dont l’action a été récompensée par un Prix EMI lors de cette 16e édition des Assises du journalisme.
« L’association est née en 2017 dans un contexte de crise sécuritaire dans le pays, dans lequel
proliféraient les discours de désinformation et de haine
 », raconte-t-il.
Au Cameroun comme au Liban, l’EMI est loin d’être une préoccupation ou une priorité des
gouvernements. « Les écoles privées sont plus réceptives à ce champ. Pour les établissements
publics, le ministère est dépassé par les grèves et les salaires non payés, alors qu’il serait primordial
d’investir dans la jeunesse
 », déplore Sarah Jacquin. « Nos tentatives d’activités auprès des
enseignants ont été des échecs car ces derniers déplorent ne pas avoir déjà assez de temps pour leur
propre matière. C’est pour cette raison que nous avons décidé de travailler avec les acteurs périscolaires, les associations qui encadrent la jeunesse ou des ONG
 » avance Blaise Pascal
Andzango.
Rares sont les pays où l’EMI entre de plain-pied dans les programmes scolaires.
« Aujourd’hui, nous disposons d’un cadre d’enseignement tout nouveau car nous sommes en pleine
réforme de l’éducation, dans laquelle l’éducation aux médias est une trans-discipline
 », commente
Patrick Verniers, directeur du Conseil supérieur de l’éducation au médias en Belgique.
Dans l’espace francophone, le financement de l’éducation n’a rien d’évident non plus. Les
associations du Cameroun et du Liban peuvent compter sur l’aide des agences des Nations-Unies,
de l’Union européenne ou d’organisations internationales. « L’initiative est surtout laissée aux
médias, principalement aux petits médias. 80 % de nos financements proviennent des pouvoirs
publics, mais il faut les solliciter à nouveau chaque année. Il permettent de rémunérer 1/2 poste
administratif et de dédommager les journalistes rémunérés à la pige, mais beaucoup de journalistes
sont bénévoles
 », reconnaît de son côté Eve Beaudin, journaliste au CQEMI. Line Pagé estime
cependant que « ce modèle ne va pas cependant pas pouvoir perdurer ».
La Belgique fait là encore figure de privilégiée. « Notre financement est à 100 % public,
avec un financement acté par le Parlement en 2008, mais qui n’a pas été indexé jusqu’en 2021, ce
qui correspond à un définancement. Depuis deux ans, nous enregistrons en revanche une hausse de
+60 à plus 80 % sur une base annuelle, ce qui nous permet d’envisager les choses plus
sereinement
 », indique Patrick Verniers. Les journalistes intervenants y sont toutefois là encore
« davantage défrayés que rémunérés ».
Gaëlle Ginibrière

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