Quand on vient de lire « Croyez-moi, je vous mens », on a beau connaître quelques uns des défauts, voire des vices du système Internet, on reste interloqué. Ryan Holiday, ancien directeur médias de American Apparel, marque de lingerie branchée, attaché de presse de quelques auteurs à succès, y raconte ses exploits. Il décrit surtout un « monstre » de lire la suite
Quand on vient de lire « Croyez-moi, je vous mens », on a beau connaître quelques uns des défauts, voire des vices du système Internet, on reste interloqué.
Ryan Holiday, ancien directeur médias de American Apparel, marque de lingerie branchée, attaché de presse de quelques auteurs à succès, y raconte ses exploits. Il décrit surtout un « monstre » de médias, un univers virtuel, un trou noir, vorace de mensonges, de « vannes », de mauvais coups, absolument odieux.
Objectif des « blogs » ( que nous, nous appellerions contributeurs, voire pure players selon importance des rédactions, par opposition à la « grande presse traditionnelle »), faire du buzz, des clics, quel qu’en soit le prix. Si bien que le monde qu’il décrit n’est qu’une grande nasse à publicité automatisée, à lecteurs gogos, à people fragilisés pris pour cibles. Il se dit le premier écoeuré.
Est-ce parce que ce monde prospère surtout sur l’actualité futile des gens les plus exposés, entre New York et Los Angeles ? Est-ce bien notre monde, celui de l’information auquel nous sommes habitués ?
On a du mal à y croire et pourtant dit-il :
Plus c’est gros, plus ça marche !
Il n’est pas tendre avec lui même et ses méthodes de voyous utilisées pour discréditer un candidat potentiel, une firme concurrente, pourvu que ça fasse « boule de neige ». Il n’est pas tendre avec les siens. Avec des journalistes* qu’il décrit comme paresseux, à l’affut de n’importe quel scoop à scandale, enclins à gober des articles prêts à poster. Le système débouchant sur un univers totalement fabriqué sans rapport avec la réalité des faits. Des médias comme CNN, Huffington Post et bien d’autres en ont été les victimes, relayant des infos bidon dont le seul but est d’augmenter le flux des visiteurs et de la pub, en décrochant la reconnaissance suprême d’un grand titre respecté.
D’où les conseils qu’il donne à ceux qui sont en mal de trafic : ne présentez jamais de solutions, de sujets empreints de sagesse, de bonnes idées, simples et saines. ça fait flop ! Présentez des sujets même farfelus, pourvu qu’ils amènent les gens à s’empoigner pour et contre !
Il dément l’analyse du New York Times Magazine, lui qui affirme que le secret du succès d’un article repose sur l’émotion qu’il est capable de susciter. Selon Ryan Holiday, le premier facteur de viralité, plus que le rire, la peur, la joie, la séduction, c’est la colère.
C’est dire l’opinion qu’il a de ses, de nos, concitoyens !
Dans la version augmentée après première publication, il cite quelques cas d’école comme HARO (HelpAReporterOut), un réservoir d’experts en tous genres dans lequel, selon lui, les journalistes surmenés ou peu scrupuleux viennent puiser des contacts. Il affirme et prouve qu’il s’y est fait passer pour insomniaque incurable, boursicoteur frileux, victime d’une attaque bactériologique… et à ce titre a été interviewé comme témoin par d’importants médias ! Puis il a révélé la vérité à Forbes.com. Après un moment de consternation générale, la blogosphère s’est retournée contre lui et dans un déni collectif, lui a fait un procès… en sorcellerie.
Noir c’est noir.
Même « Numéro zéro » d’Umberto Eco qui vient de paraître, semble dépassé, vieillot, naïf dans ses clichés sur la presse racoleuse.
Cependant les réactions de la presse américaine ont été finalement assez molles, du style « on le sait déjà, c’est pas si grave, il enfonce des portes ouvertes…« . Histoire de minimiser le diagnostic du traître !
Holiday cite pas mal de sites connus surtout aux Etats Unis.
Il n’est pas avare de conseils techniques pour faire son buzz. Allez y voir !
Marie Christiane Courtioux
(carte 32590)
>Croyez-moi, je vous mens
Confessions d’un manipulateur des médias
par RYAN HOLIDAY
Traduit par François Morice
11, rue de Sèvres, Paris 6
Le livre est disponible à la bibliothèque du Club
* Journalisme « itératif », qui consiste à prendre un récit chez d’autres, au stade où on le trouve, sans en vérifier les sources et les fondements. La suite amène les rectifications éventuelles, les mises à jour, pourvu que cela crée du trafic supplémentaire, des rebondissements, de la nouveauté !
>Le 2 mars 2015, Il a eu un papier dans GRAZIA signé Lise Martin.
>Il en dit plus avec Caroline Martin, sur l’ADN, Les séquences de l’innovation