Retour d'expériences sur la tenue et la réalisation d'ateliers d'éducation aux médias au-delà des murs de l'école, avec les journalistes Sylsphée Bertili et Sheerazad Chekaik-Chaila.
Sylsphée Bertili collabore depuis 2 ans avec l’association Transonore afin d’impliquer différents publics dans la réalisation de podcasts dédiés aux initiatives écologiques et solidaires dans les quartiers. “Je ne travaille jamais en temps scolaire, assure la journaliste. Mon public est donc composé soit d’adultes, soit d’enfants bénéficiaires de programmes de réussite éducative”.
Questionner sa manière de produire de l’info
La journaliste Sheerazad Chekaik-Chaila, membre du collectif La Friche, a quant à elle été particulièrement marquée par sa première expérience d’éducation aux médias. “C’était une résidence de journalistes, calquée sur le modèle des résidences d’artistes. Le but était de mettre entre parenthèses ma pratique journalistique afin de partager mon expérience avec le grand public. Cette expérience m’a amenée à questionner ma manière de faire de l’info. Je ne pouvais plus retourner dans une rédaction et me sentir comme dans une bulle. Je suis donc devenue pigiste, afin de pouvoir continuer à consacrer du temps à l’éducation aux médias et à l’information”.
Pour les deux journalistes, il est nécessaire de faire la distinction entre un public dit “captif” comme cela est le cas en temps scolaire, du public “non captif”. Dans le deuxième cas, “il faut donner aux personnes l’envie de venir, et même de revenir. Il y a un enjeu de production finale, on doit donc motiver les participants à aller jusqu’au bout du projet ! C’est souvent la convivialité qui fait que les gens reviennent.”
“L’enjeu est de produire un contenu suffisamment qualitatif pour qu’il soit ensuite diffusé”, souligne Sheerazad Chekaik-Chaila. La journaliste a notamment accompagné plusieurs habitantes de Roubaix dans la réalisation d’une revue papier nommée Saphirmer : “Choisir des sujets, hiérarchiser les infos, décider de la manière dont on illustre les textes… l’EMI se fait par l’expérience”.
Prendre confiance en soi
Avec Transonore, Sylsphée Bertili accompagne quant à elle les participants dans la réalisation de podcasts. “La radio est un format qui fonctionne assez bien avec tout le monde, parce que c’est plus facile à prendre en main que l’écrit. Il n’y a pas de barrières liées à la grammaire ou à l’orthographe, c’est donc moins scolaire. Et apprendre à parler dans un micro permet de prendre confiance en soi”, assure la journaliste.
Mais comment se lancer dans l’EMI hors du temps scolaire ? “La résidence de journalisme peut être un bon format pour se lancer, car c’est encadré et financé, indique Sheerazad Chekaik-Chaila. Il existe aussi des associations comme Fake Off qui recrutent régulièrement des journalistes afin de répondre à des appels à projets d’EMI”.
Concernant le mode de rémunération, il est variable et dépend de la structure d’accueil : “On peut être soit salarié par les associations, soit en auto-entreprise, ou bien rémunéré en piges.”
La carte de presse neutralise l’EMI
“Les revenus liés à l’EMI sont-ils pris en compte pour la demande de carte de presse ?”, demande une participante dans le public. Pour l’instant, les revenus liés à l’EMI sont neutralisés, c’est-à-dire qu’ils ne comptent ni comme un revenu journalistique, ni comme un revenu “autre”, comme c’est le cas des revenus liés à la communication par exemple, indiquent les deux journalistes.
Pour le côté administratif, Sheerazad Chekaik-Chaila et Sylsphée Bertili conseillent aux journalistes qui font de l’EMI d’adhérer à une association ou à un collectif afin de mieux gérer notamment les questions d’appel à projet.
« Y mettre un peu de soi »
En conclusion, les deux journalistes assurent “qu’on ne peut pas faire de l’EMI en prenant uniquement ce que le public a à donner. Il faut aussi y mettre un peu de soi, sortir de son costume de journaliste et donner de sa personne”. Les deux journalistes appellent de leurs vœux une meilleure préparation des journalistes afin de savoir comment agir face à des situations difficiles tels que des cas de violence intra-familiale.
Texte : Thomas Allard
Quelques liens :
Le média Transonore :
Le site de l’association Fake Off :
Pour avoir un aperçu de la revue Saphirmer :