« Loi Cressard, 50 ans et toutes ses dents ». Tel était le thème qui infusait l’ensemble du programme de cette nouvelle édition des 48h de la pige, organisées par l’association Profession pigiste à Lille les 13 et 14 juin. Une séance plénière dédiée à la loi Cressard a permis d’en rappeler les fondements. Nos journalistes Thomas Allard et Nicolas Beublet étaient sur place.
« Ceux qui sont d’accord se lèvent, ceux qui ne sont pas d’accord restent assis, les indécis lèvent le bras. » Sous forme de jeu interactif, les syndicats SNJ, SNJ-CGT, et CFDT-Journalistes et l’association Profession Pigiste, ont délivré leurs conseils et répondu aux interrogations des nombreux journalistes rémunérés à la pige (JRP) présents dans l’assemblée.
Rappelons quelques fondamentaux. La loi Cressard oblige un employeur à payer ses journalistes à la pige. Les « CDD de piges » ou les CDDU, sans prime de précarité à l’issue du contrat, sont interdits. Le métier de journaliste n’est pas inscrit dans la liste des métiers qui sont concernés par le CDDU, pensé pour pallier à une activité anormale. La réalité diffère : certaines entreprises, dans l’audiovisuel notamment, peuvent y avoir recours.
Autre point : la convention collective. Elle s’applique à toutes les entreprises, et pas uniquement aux entreprises de presse. « Si un employeur vous dit qu’il ne peut pas, c’est qu’il ne veut pas », précise-t-on du côté des syndicats.
Du salaire, et uniquement du salaire
La loi Cressard oblige aussi à payer un journaliste en salaire. L’auto-entreprise, autre statut répandu, bafoue les droits sociaux : il ouvre les droits à peu de retraite, pas de droits au chômage ni aux indemnités journalières en cas d’arrêt maladie.
Le chômage, justement. Pour ouvrir des droits au chômage, il faut une procédure de licenciement menée par l’employeur. Celle-ci vous donnera également droit à une indemnité de licenciement.
En cas de baisse du volume de piges avec un employeur, les syndicats conseillent aux JRP de réclamer une procédure de licenciement le plus rapidement possible, afin d’avoir une indemnisation la plus en phase avec le volume de travail réalisé habituellement. « Il faut réagir très vite, dans les 2 à 3 mois où l’on constate une baisse significative des piges », souligne Myriam Guillemaud du SNJ. Des piges, présumées en CDI, ne comptent que si le contrat est rompu.
Néanmoins, il n’est pas toujours facile d’estimer si l’on se trouve réellement dans une situation où la baisse est significative : « Il existe parfois des accords d’entreprise qui permettent de définir ce qui relève ou non d’une fin de collaboration. C’est le cas chez Bayard Presse par exemple », note Élise Descamps de la CFDT-journalistes.
Jouer collectif
Les pigistes présents dans l’amphithéâtre réagissent. Entre peur de passer pour « le chieur » ou « la chieuse » de service, voire de se faire carrément blacklister, s’opposer à un employeur dans un milieu très concurrentiel n’est pas facile. Le temps de « faire décoller sa carrière », certaines situations peuvent aussi être passées sous silence.
Il faut « la jouer collectif » répondent les syndicats, citant un cas au Figaro (augmentation du feuillet grâce à une mobilisation de 36 pigistes). Sur des cas plus particuliers, notamment pour connaître la nature de sa relation de travail avec un employeur, ils conseillent de s’adresser directement au service des ressources humaines ou au personnel encadrant : « Il est préférable de poser toutes ces questions par écrit, afin de pouvoir garder une trace des échanges », précise Élise Descamps.
Les syndicats sont-ils suffisamment protecteurs ? Dans l’industrie du podcast, où l’usage du CDDU et où les collaborations ne sont pas toujours régulières, notamment sur le long-format, le sentiment d’isolement peut vite se faire sentir. « Les syndicats sont ce que les syndiqués en font », concède Ludovic Finey du SNJ-CGT.
Ils ont néanmoins tenu à rappeler leur « travail en intersyndicale », notamment pour l’élaboration du Guide de la Pige avec l’association Profession Pigiste, accessible en ligne (voir ci-dessous) ou consultable à la tour de piges du Club de la presse de Bordeaux-Nouvelle Aquitaine.
Pour l’anniversaire des 50 ans de la loi Cressard, une tribune collective paraîtra le 4 juillet. Une manifestation est également prévue à la rentrée, avec, dans l’idéal, des rendez-vous au ministère de la Culture et du Travail. L’idée est de faire évoluer la loi. À l’issue de la séance plénière, des propositions d’amélioration ont été recueillies.
Texte et photo : Thomas Allard et Nicolas Beublet
Quelques liens :
Loi Cressard :
https://www.legifrance.gouv.fr/download/securePrint?token=Fi8uCWDpyVCNYOxFQ77W&pagePdf=3
Guide de défense du journaliste, 2019 :
http://pressejudiciaire.fr/resources/VDM_long_4.pdf
Guide de la pige, association Profession Pigiste :
https://pigiste.org/ressources/guide-de-la-pige/