Du jeudi 08 au samedi 10 décembre se tenait un colloque à l’Institut de Journalisme de Bordeaux autour du journalisme et de ses combats.
Un vaste sujet, qui a réuni une trentaine d’intervenant·es français·es et internationaux, autour du partage d’expérience et de recherches sur la profession, ses luttes et sa perception aux quatre coins du monde.
« Le journalisme est une des plus belles professions, mais ternie par des jeux de pouvoir et des combats qui l’affaiblissent continuellement. » Tels sont les mots d’Angelina Toursel, maîtresse de conférences et docteure en Sciences de l’Information et de la communication à l’Université Polytechnique Hauts-de-France. Ouvrant le premier panel de conférences du jeudi 08 décembre, Risques et atteintes à l’intégrité des journalistes, elle pose ainsi les bases des enjeux abordés lors de ce rassemblement de docteur·es, chercheur·es, étudiant·es, professionnel·les du journalisme et curieux et curieuses internationaux (français·es, brésilien·es, burkinabéen·es et belges principalement). Ces rencontres étaient intégralement bilingues français et portugais avec l’appui d’interprètes. Florian Tixier, membre du MICA, professeur à l’IJBA et organisateur de cette rencontre, précise que ce partenariat avec des universités étrangères permet de traiter un même fait social sous plusieurs prismes culturels.
Journalisme d’idées
Sur ces enjeux d’identité des luttes, Fábio Henrique Pereira de l’Université de Brasília a admis leur complexité dans un contexte politique autoritaire : « Cette conférence ne serait pas la même si Bolsonaro avait été réélu ». Contexte autoritaire existant au Burkina Faso, où les reporters d’attentats terroristes sont menacé·es de mort. L’intervention de ces soldats de l’information était animée par Lassané Yaméogo du Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST) du Burkina Faso. La journée du jeudi a été sous le signe de l’identité des luttes et des engagements personnels dans le journalisme.
Ces premières conférences du jeudi ont été brillamment introduites par une rétrospective du parcours d’Albert Camus et de l’émergence du “journalisme d’idées” par une spécialiste du personnage, Maria Santos-Sainz, maîtresse de conférence à l’IJBA.
Le combat sous toutes ses formes. La journée du vendredi aura balayé les luttes journalistiques contre les attaques externes, comme les politiques, les législations prohibitives ou la désinformation. Des réflexions de remise en cause des mouvements internes à la profession ont aussi été abordées : les travaux de Lorrie D’Addario, ex-journaliste et chercheuse à l’Université libre de Bruxelles, ont permis de comprendre les influences internes d’une rédaction ayant changé de direction.
Un renouvellement récent de la réflexion
Le combat des journalistes doit aussi être étudié sous un jour nouveau, celui d’un contexte de déconstruction de la société : “Le savoir féministe et les études de genre sont très intégrés dans la recherche journalistique et pas seulement qu’en Europe. Ces grandes questions nous traversent tous et toutes et c’est intéressant de les voir appliquées à des études de cas différentes”. Florian Tixiertient à mettre l’accent sur ces nouvelles remises questions que doit prendre en compte la réflexion.
Claire Ruffio, chercheuse française au Centre européen de sociologie et de science politique de Paris 1, qui a travaillé sur l’intégration des savoirs féministes au sein des rédactions françaises dans le contexte post-MeToo, a décrypté l’état de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans la profession. La question trans, quant à elle, est très présente au Brésil et a été abordée plusieurs fois pendant ces rencontres.
Inception
La journée du samedi aura été consacrée à l’étude même de la recherche en sciences de l’information et du positionnement des chercheur·ses, souvent ancien·ennes journalistes. Comment peut-on construire une recherche sur un terrain scientifique dont on a été l’acteur·ice ? Peut-on réellement être observateur·ice neutre quand nos sujets de nos recherches ont été nos pair·es ?
Une remise en question poussée à son paroxysme pour clôturer un colloque pointu, complet et mesuré. Dans deux ans, les rencontres internationales du journalisme se tiendront sous le soleil du Brésil pour une édition sur le thème « journalistes irrévérencieux et impertinents » tournée vers le rire dans la transmission d’informations. Un appel à candidatures pour son organisation a d’ores et déjà été lancée auprès des chercheur·ses.
En attendant, la captation de ces trois jours de partage est à retrouver sur la chaîne youtube de l’IJBA, filmée par ses étudiant·es.
Texte : Zeina Kovacs et Kim Dusznyj, membres actives du Club Junior