Une tribune parue dans : LE MONDE | 21.12.2012 Par Marc Norguez, secrétaire général SGLCE-CGT Bas du formulaire Certes, Presstalis ne distribue pas la totalité de la presse en France. Mais la distribution de la presse a besoin de la totalité de Presstalis. Il est du devoir des pouvoirs publics, des éditeurs et des lire la suite
Une tribune parue dans :
LE MONDE | 21.12.2012
Par Marc Norguez, secrétaire général SGLCE-CGT
Bas du formulaire
Certes, Presstalis ne distribue pas la totalité de la presse en France. Mais la distribution de la presse a besoin de la totalité de Presstalis. Il est du devoir des pouvoirs publics, des éditeurs et des salariés de la filière de pérenniser un outil essentiel pour le pluralisme de la presse.
L’accord signé en octobre 2012 entre Presstalis, les éditeurs et l’Etat a été baptisé dans un récent rapport parlementaire de « rafistolage provisoire ».
L’ETAT DOIT RÉINVESTIR LA FILIÈRE
Nous pensons, comme le rapporteur, que cet accord auquel nous n’avons pas été associés ne peut constituer la base d’une reconstruction du système de distribution ni une quelconque feuille de route.
Il convient de se remettre vite au travail en organisant une table ronde avec l’Etat, les éditeurs, les messageries et les représentants des salariés. Nous pensons que l’Etat doit réinvestir la filière.
La distribution de la presse est bien plus qu’un échange de marchandises. Elle transmet un bien culturel ayant une influence décisive sur le cours des événements.
La presse est un lien social fort entre ceux qui cherchent à informer et ceux qui cherchent à savoir et à réfléchir. Elle est fille de la démocratie et soeur de l’idéal républicain.
La distribution ne peut être laissée dans les mains d’intérêts particuliers.
Depuis avril 1947, la loi Bichet régit un système coopératif de distribution mutualisant les coûts tout en s’appuyant sur un opérateur privé.
HACHETTE, S’EST RETIRÉ
Il y a dix-huit mois, l’opérateur, Hachette, s’est retiré, et la loi a été modifiée par l’ancienne majorité. Aujourd’hui, la situation est très préoccupante.
Presstalis est affaiblie, ses résultats d’exploitation sont négatifs, et un conflit social majeur s’y développe. Après moins de dix-huit mois, l’Etat est le grand absent des lieux de décision.
Il n’est considéré par les éditeurs que comme bailleur de fonds grâce aux aides à la presse et au financement des plans sociaux.
Il nous paraît indispensable de revoir tout le dossier. Nous réaffirmons les principes fondamentaux en ajoutant que c’est à l’Etat de les sauvegarder. Le rôle et la liberté de la presse pourraient être reconnus et garantis dans la Constitution.
Pour être pluraliste, la presse doit s’appuyer sur une entreprise à qui est dévolue cette mission de service public. Aujourd’hui, l’entreprise qui peut prétendre à cette fonction, c’est Presstalis.
Le plan de la direction remet en question l’existence même de l’entreprise. Il ne s’agit pas seulement de supprimer plus d’un emploi sur deux, mais des secteurs entiers de l’activité.
La direction tente de régler les difficultés en les supprimant. Cette méthode ne fonctionne que sur le papier. Sans Presstalis, en réalité, on ne sait pas distribuer la presse en France.
L’Etat doit réaffirmer sans ambiguïté la nécessité d’un système ouvert, coopératif et mutualisé. Ce système ne peut fonctionner sans une intervention des pouvoirs publics.
IMPASSE DE « L’ACCORD TRIPARTITE » DU 4 OCTOBRE
Il doit être un exemple social dans une profession où la précarité, les conditions de travail très pénibles et les bas salaires sont dominants.
L’Etat sera sollicité pour sortir de l’impasse de « l’accord tripartite » du 4 octobre, il doit s’imposer dans l’organisation de la filière en participant au Conseil supérieur des messageries de presse et au conseil d’administration de Presstalis. Nous demandons aussi la présence d’élus des salariés au conseil d’administration de Presstalis.
Depuis trop longtemps, les salariés sont tenus à l’écart des responsabilités, alors que ce sont eux qui, jour et nuit, réalisent le travail et paient les erreurs de gestion des dirigeants. Nous revendiquons une véritable gestion à trois : éditeurs, pouvoirs publics et salariés.
Pour sortir de la grave crise de la distribution de la presse, il est nécessaire de la consolider en fonds propres, de maîtriser ses déficits et d’anticiper les évolutions et leurs conséquences sur les salariés.
Les procédures au tribunal de commerce et un rapport économique récent demandé par les organisations syndicales ont confirmé les besoins de recapitalisation de la société.
Cette situation est l’oeuvre des administrateurs et des clients de l’entreprise, souvent les mêmes, qui paient des prestations à des tarifs inférieurs à leur valeur.
Ce sont eux qui doivent contribuer – avec les Messageries lyonnaises de presse, qui ont leur part de responsabilité dans les difficultés de Presstalis – à la remise à flot du distributeur.
Les principaux éditeurs, administrateurs, clients de Presstalis sont bénéficiaires dans leur activité d’éditeurs de presse et adossés à de grands groupes financiers ou bancaires.
Ils ont toujours bénéficié d’un système de distribution et de mise en vente au numéro exceptionnel, qui a permis de grands succès éditoriaux aux titres de presse magazine comme aux suppléments hebdomadaires des quotidiens.
L’AVENIR DE PRESSTALIS
Pour des milliers de titres, la vente au numéro en kiosques ou ailleurs est une opportunité pour la rencontre entre un titre et son lecteur.
La question de l’avenir de Presstalis est déterminante pour la profession et la distribution, mais aussi pour le déroulement du dossier et son issue positive.
Si on pense que la disparition de Presstalis est la condition de la survie de la filière, on va non vers un conflit lourd mais vers la fragilisation de la distribution de la presse, la disparition de la spécificité du produit presse, sa distribution par des entreprises de transport.
La volonté politique et économique de construire un avenir à Presstalis doit être réaffirmée, c’est un préalable.
La deuxième question est celle de l’équilibre de ses comptes d’exploitation. Il faut travailler à l’apport de nouvelles ressources, à une meilleure répartition des aides, à une recherche d’économies, à une mutualisation qui ne contredise pas les choix des éditeurs, renforçant l’entreprise au lieu de l’affaiblir. Notre organisation a présenté des propositions en ce sens.
LA PRESSE PLURALISTE
On peut aussi réduire des points de déficit importants en rapatriant la charge de travail. La distribution de la presse pluraliste et vécue comme une entreprise de service public est et restera déficitaire.
C’est pourquoi les aides de l’Etat sont nécessaires. Il est indispensable de les réaffecter en les répartissant équitablement.
L’aide de l’Etat à Presstalis est la moitié de l’aide dite « postale » et inférieure à celle destinée au portage à domicile.
Nous proposons que l’Etat contribue à équilibrer les comptes de Presstalis pour l’année 2012 et que s’engagent les discussions nécessaires à une réduction des déficits pour les années suivantes.
Ces mesures doivent faire partie d’un engagement des parties pour maîtriser et réduire les dépenses. Dans ce cadre, il est nécessaire d’examiner l’évolution des effectifs en refusant tout licenciement.
Car, si l’activité peut se réduire, c’est, d’une part, à vérifier et, d’autre part, elle ne disparaît pas. De plus, les salariés de la distribution et de Presstalis savent évoluer dans le cadre d’une garantie d’emploi prenant en compte la pénibilité.
SUSPENSION IMMÉDIATE DU PLAN DE CASSE
En résumé : l’Etat doit réaffirmer l’existence de Presstalis dans le cadre d’un système de distribution dédié à la presse. Il doit imposer aux éditeurs des contributions au maintien du système à la hauteur des services rendus.
Il est en effet de plus en plus difficile à admettre que les bénéficiaires d’un taux de TVA quasi nul (2,1 %) et d’aides importantes de l’Etat soient les fossoyeurs d’une entreprise au service d’un bien commun, le pluralisme de la presse.
Enfin, notre organisation affirme sa disponibilité pour débattre dès maintenant, avec l’esprit de responsabilité qui la caractérise, sur la base des positions qu’elle développe dans ce texte.
Cette discussion suppose la suspension immédiate du plan de casse que la direction de Presstalis tente de mettre en oeuvre.
Marc Norguez, secrétaire général du Syndicat général du livre et de la communication écrite SGLCE-CGT