Un bout des médias

Plusieurs représentants de médias locaux ou nationaux, petits ou grands, s'étaient retrouvés dans un amphi de l'IJBA le 12 mai, avec l'appui du Club de la Presse. Objectif : après les Assises du Journalisme à Tours, étudier "les liens entre le format et l'indépendance des médias."

Photo : Romary Daval pour Un Bout des Médias

« Je suis ravi d’accueillir l’association ‘Un bout des médias’, car la presse indépendante a bien des atouts et nos jeunes journalistes peuvent en témoigner. Ils sont nombreux à y faire des stages ou à y entrer. » Arnaud Schwartz, le directeur de l’IJBA (Institut de Journalisme de Bordeaux Aquitaine) a accueilli en ces termes les professionnels et les étudiants venus débattre sur divers problèmes actuels des médias. Le débat, animé par Loïck Rauscher, membre du pôle plaidoyer de l’association, démarre sur les quatre exigences d’un appel déjà signé par un millier de personnalités (voir annexe ci-après), qui pourraient apporter des réponses à la veille des législatives : la transparence sur la gouvernance et l’actionnariat des médias, ensuite un investissement minimum pour une info de qualité, une gouvernance plus démocratique incluant les journalistes et enfin la lutte contre la concentration dans le secteur médias. Et l’animateur de poser une question aux invités : « Pourquoi une information indépendante est-elle absolument nécessaire à la démocratie ? » Pour Jacques Trentesaux, directeur de la rédaction et cofondateur de Médiacités, « l’indépendance est le modèle qui permet de délivrer l’information la plus libre possible. » La réalisatrice et journaliste Anne-Sophie Novel cite à ce sujet Alfred Sauvy : « Bien informés les gens sont des citoyens, mal informés ce sont des sujets. » Et Simon Barthélémy, rédacteur en chef de Rue89 Bordeaux, met l’accent sur « le lien entre indépendance et démocratie, quand un groupe international détient des infos et les empêche de sortir.« 

Des expériences locales variées

Les médias nouvellement créés, notamment dans notre région, apportent des réponses concrètes et intéressantes. « Nous avons monté notre projet, c’est de l’artisanat, déclare Florian Laval, l’un des fondateurs de la Revue Far Ouest, on ne peut forcément réfléchir à tout, il faut y mettre de l’énergie. Mais on peut y arriver, nous n’avons jamais perdu d’argent. Et Far Ouest est aussi une carte de visite qui permet d’accéder à des projets. » Il apporte des précisions concrètes, bientôt rejoint par Simon Barthélémy qui rappelle la création de Rue89 Bordeaux. « Nous l’avons lancé en 2014 avec une petite équipe de journalistes bordelais, explique-t-il. Au départ nous avons été identifiés à un média national qui venait d’être absorbé par l’Obs. Certains nous ont vus comme des parisiens qui débarquent et créent une agence. Or, Rue89 Lyon et Strasbourg avaient déjà montré une définition indépendante de A à Z. Bordeaux en a fait autant, et notre société, une SARL, appartient à ses quatre actionnaires, dont trois journalistes. Nous sommes indépendants car la moitié de nos ressources dépend de nos lecteurs. Et nous avons dit à ceux-ci qu’il fallait arriver à 1000 abonnés. C’est pour nous une définition de l’indépendance que cette volonté d’autonomie. Et par ailleurs, nous pouvons avoir des pubs du Conseil Régional et ne pas se priver de critiquer certains projets. »

Loïck Rauscher interroge les participants sur l’indépendance par rapport aux conditions économiques de leur fonctionnement. « Nous avons un modèle relié aux abonnements, indique Jacques Trentesaux pour Médiacités, mais c’est avec zéro pubs, pour ne pas induire le lecteur dans le doute. » Il estime que l’abonnement introduit une relation durable avec les lecteurs, « qui, en s’abonnant, achètent avant de lire. Avec l’abonnement annuel, nous embarquons les gens dans notre aventure. Et nous y mettons beaucoup de transparence: nos déclarations d’intérêt sont mises en ligne, cela concourt à la reconquête de la confiance des lecteurs dans nos médias. » C’est aussi l’avis de Florian Laval, pour la Revue Far Ouest : « Ma conclusion est qu’il faut répéter sans relâche aux lecteurs des médias indépendants : abonnez-vous !« 
Qu’en est-il d’un quotidien régional comme Sud Ouest, qui a traditionnellement des abonnements et de la publicité en plus de la couverture éditoriale, comme l’explique Aude Ferbos, journaliste au quotidien et au Mag ? « Nous avons la chance d’avoir une activité commerciale, mais aussi d’avoir su garder une indépendance la plus étanche possible entre les activités éditoriales et celles qui ne le sont pas. L’arrivée des médias indépendants a aussi rafraîchi les idées des journalistes, cela nous booste un peu ! » Elle soulignera que Sud Ouest « ouvre grande la porte à des jeunes qui veulent chercher l’info différemment. De plus, nous avons la chance d’avoir une hiérarchie qui nous soutient. Quand on sort une grosse info, on sait que l’on peut faire perdre des budgets, mais le journal est important, et il défend son indépendance. »
La rencontre de l’IJBA avait également pour but de nourrir d’observations un appel citoyen de plusieurs associations avec « Un bout des médias« . Au moment des questions de la salle, Anne-Sophie Novel rappelle les grandes revendications liées à l’Appel : « Nous demandons notamment une réforme de la loi de 1986, car elle est inefficace en matière de concentration des médias. Ensuite, créer un statut juridique pour les rédactions, afin d’éviter les risques d’ingérence. Puis créer un délit de trafic d’influence, et enfin revoir toutes les structures de contrôle (CSA, CDJM etc…) » Elle critique les influenceurs, « dont il ne faut pas croire qu’ils font un travail de journaliste » et demande « que l’on rappelle tout un ensemble de principes, pour les petits comme pour les grands médias. » Simon Barthélémy souligne le rôle des lanceurs d’alerte comme sources, pour qui Rue89 à Bordeaux, Lyon et Strasbourg va installer un système crypté permettant de transmettre des documents. A une question d’une étudiante sur les moyens de faire réfléchir le public sur les médias, Florian Laval rappelle l’importance de l’éducation aux médias, développée dans l’Education Nationale avec l’appui des médias. Aude Ferbos, présidente du Club de la Presse, estime « qu’il y a toujours des risques de pression, mais c’est aussi une exigence personnelle du journaliste de ne pas se faire avaler et de résister. Et l’on peut résister partout.« 

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CONTACTS PRESSE

L’Appel pour l’indépendance des médias: l’association « Un bout des Médias » : https://www.unboutdesmedias.org/medias2022

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