A la clôture du Black History Month à la Grande Poste de Bordeaux le 29 février, un hommage posthume émouvant a été rendu au journaliste et écrivain, par ses pairs, mais aussi par des amis et des députés de plusieurs pays qui militent pour la compréhension et les échanges entre les peuples « Il portait l’Afrique lire la suite
A la clôture du Black History Month à la Grande Poste de Bordeaux le 29 février, un hommage posthume émouvant a été rendu au journaliste et écrivain, par ses pairs, mais aussi par des amis et des députés de plusieurs pays qui militent pour la compréhension et les échanges entre les peuples
« Il portait l’Afrique dans son cœur et ses écrits ». Cette phrase de la journaliste Aurélie Bambuck, qui animait la dernière soirée du festival, résume bien l’attachement des nombreuses personnes présentes, à Pierre Cherruau, journaliste et écrivain pour plusieurs médias : Courrier International, Télérama, Le Monde, Le Nouvel Economiste, Médiapart et bien d’autres… Il créa Slate Afrique avec Jean-Marie Colombani et fut l’auteur de dix livres et romans, et d’une bande dessinée. Fils du fondateur du Club de la Presse de Bordeaux, il disparut tragiquement en août 2018.
Et l’association Mémoires et Partages, qui organise le Black History Month depuis trois ans, a décidé de lui attribuer son prix annuel, en hommage « à son combat pour un journalisme respectueux des cultures africaines. » C’est bien dans la mission de cette manifestation, comme le rappelait son président Patrick Serres, « que d’essaimer au niveau national et international : auparavant le Black History Month existait au Canada, en Grande Bretagne, à Berlin, et sa première édition en France fut à Bordeaux. » Cette année, Cotonou, La Rochelle et Le Havre les ont rejoints.
Les précédents lauréats du prix Mémoires Partagées ont été en 2017 Biram Dar Abeid, engagé contre le racisme et l’esclavage des noirs en Mauritanie, et en 2018 l’écrivaine Halimata Fofana qui se bat contre l’excision.
« Ainsi, note Karfa Diallo, chaque année cet événement nous permet de nous aider à nous rappeler, à nous souvenir et à cultiver un esprit de résistance, sur la scène du monde, face à cette violence incroyable dans laquelle nous sommes obligés de vivre. »
Dans son discours final, il évoquera une question : « On pourrait nous dire : mais pourquoi le prix ne récompense-t-il pas quelqu’un de noir ? Mais être noir, pour nous, n’a jamais été une question de couleur de peau. C’est beaucoup plus un combat humain contre toutes les oppressions. »
La remise du prix a été l’occasion d’une rencontre de spécialistes de tous horizons, sur le thème « Journalisme et question noire », en présence des députés Danièle Obono et Kalvin Soiresse Njall. Une table-ronde réunissait tout d’abord les journalistes et auteurs Renaud Dély, Marcus Boni Teiga, Eugène Ebodé et Jean Berthelot de La Glétais.
« Pierre est toujours là, devait déclarer Eugène Ebodé, car il fait partie de ceux qui ne nous quitteront jamais. C’était un être bienveillant, et j’ajouterai : bien vaillant. Un homme d’une discrétion absolue, qui aimait s’occuper des autres plus que de lui-même. Avec son père qui se prénommait aussi Pierre, il appartenait à une belle lignée d’hommes d’écriture. Et il avait une capacité d’être de toutes les cultures, comme s’il en était issu. C’était un joyeux caméléon, mais il ne fuyait pas la confrontation. »
« Il était un Africain »
Marcus Boni Teiga voit en Pierre Cherruau « un bâtisseur de ponts entre la France et l’Afrique », la plupart de ses œuvres s’étant inspirées du grand continent. « – On peut même dire qu’il était un Africain ». A Aurélie Bambuck qui demande ce qu’il va laisser aux journalistes qui traitent de l’Afrique, il répond qu’il avait « un regard critique, parce qu’il l’aimait, mais avec la générosité qu’il avait eue en parcourant le continent de tous côtés. Et il a laissé un grand souvenir, pour que l’éthique soit respectée. Je suis conscient de sa rectitude, et j’en remercie ses parents. »
Renaud Dély a connu Pierre au CFJ, l’école de journalisme, et ils ne se sont jamais perdus de vue. « Il parlait tout le temps de l’Afrique, se souvient-il, sans jamais avoir une approche idéologique. Ce qui l’intéressait, c’étaient les hommes, les femmes, les destins. Dans notre métier, on rencontre des gens sûrs d’eux, des forts en gueule, lui c’était l’inverse, dans sa pratique du journalisme il y avait une humilité, une culture du doute. Il racontait des histoires d’êtres humains, en essayant de comprendre. »
Jean Berthelot de La Glétais, le président du Club de la presse de Bordeaux-Nouvelle-Aquitaine, soulignera « que les deux Pierre font partie de l’histoire du club », le premier lors de la fondation ayant instauré « une bienveillance, une écoute et un humanisme ». Le Club souhaite maintenir « ce pont avec l’Afrique, qui fait que nous avons à cœur de recevoir et de soutenir des journalistes africains de passage. Et les liens avec Mémoires et Partages nous les devons aussi à Pierre Cherruau ». Il salue la présence de Marie-Christine Cherruau, « qui nous permet de faire vivre aujourd’hui encore les valeurs qu’ils ont incarnées. »
Ce que confirme Karfa Diallo : « La mère de Pierre était associée à son travail de journaliste. Je vois Marie-Christine, son sourire, sa générosité, sa bienveillance… »
Elle lui répondra « un seul petit mot car je suis très émue. Nous sommes très heureuses, avec l’épouse de Pierre, d’être là ». Celle-ci remerciera les organisateurs, « et Marie-Christine et la famille qui ne nous ont jamais abandonnés, je ne me sens pas toute seule, et tous les amis de Pierre sont toujours là ».
La députée Danièle Obono devait ensuite conclure la cérémonie de remise du prix en se déclarant « très honorée, et je souligne que l’œuvre des journalistes est aussi une œuvre citoyenne. Elle a permis de construire un récit sur le continent en France. »
(Crédits photos : Pierre-Hervé Dussel)
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