Les 11èmes Assises du Journalisme qui viennent de se tenir pendant quatre jours à Tours avaient choisi comme thème l’utilité du journalisme. Une réponse en quelque sorte à tous ceux qui, ces derniers mois, dénoncent la « médiacratie », allant jusqu’à oser affirmer, comme Jean-Luc Mélenchon « La haine des medias et de ceux qui les animent est lire la suite
Les 11èmes Assises du Journalisme qui viennent de se tenir pendant quatre jours à Tours avaient choisi comme thème l’utilité du journalisme. Une réponse en quelque sorte à tous ceux qui, ces derniers mois, dénoncent la « médiacratie », allant jusqu’à oser affirmer, comme Jean-Luc Mélenchon « La haine des medias et de ceux qui les animent est juste et saine »
La présence massive à Tours de lycéens, collégiens, étudiants , enseignants, responsables d’associations venus débattre avec des journalistes, ont apporté la preuve que l’information et les médias suscitent toujours autant de curiosités, de passions et d’exigence. Dans les dizaines de rencontres comme dans les livres présentés au Salon du livre du journalisme, l’information a été passée au crible des analyses, des critiques et des autocritiques. La rencontre samedi autour de Patricia Tourancheau et de son livre « Grégory, la machination familiale » a été , à ce titre exemplaire : l’auteur, elle-même journaliste, a montré que ce tragique fait divers n’a pas seulement été un fiasco judiciaire mais a été aussi l’exemple presque caricatural d’un dévoiement de la presse, de la négation de toutes les règles de la déontologie journalistique.
Le journalisme utile, mis le plus souvent en avant à Tours, c’est celui qui apporte une information « sourcée »,vérifiée, hiérarchisée, et offre au citoyen tous les éléments lui permettant de se forger sa propre opinion.
La lutte contre les « fake news », c’est-à-dire les fausses informations manipulées au service, le plus souvent, d’une cause politique, a été évidemment au cœur des débats d’autant que le ministre de la culture, Françoise Nyssen est venue défendre le projet de loi en préparation sur ce sujet. N’ignorant pas les inquiétudes qu’il suscite chez les journalistes, elle a insisté sur le fait qu’il s’agissait surtout d’intervenir auprès des diffuseurs pour les contraindre à plus de transparence sur l’origine des nouvelles qu’ils diffusent et à une intervention rapide pour suspendre leur diffusion dès lors qu’elles ne sont pas étayées ou paraissent manipulées.
Thomas Sotto, président du Jury des Assises, aujourd’hui à la tête de l’émission « Complément d’enquête » sur France 2 résumait le point de vue de la plupart des journalistes présents : « A-t-on vraiment les moyens d’intervenir contre les plates-formes ? Je ne doute pas de la sincérité de la démarche mais de son efficacité ». Et Patrick Eveno, président de l’Observatoire de la Déontologie de l’Information dont le 5ème rapport annuel a été présenté aux Assises (1) reconnaissait le bien-fondé d’une responsabilisation des plates-formes mais s’interrogeait aussi sur l’efficacité de la démarche. D’autant plus, faisaient remarquer nombre de journalistes que « le contrôle de l’information » est une expression qui inquiète toujours.
Pour lutter contre la manipulation de l’information rien ne vaut le travail des journalistes eux-mêmes. Des témoignages ont été apportés sur les nombreuses actions déjà engagées à l’AFP, au Monde, à France Télévision par des « décodeurs » qui s’efforcent de démêler le vrai du faux. Des journalistes et des rédactions ont mis leurs moyens en commun dans les dernières semaines de la campagne présidentielle française de 2017 pour vérifier l’exactitude des faits ou des accusations portées contre tel ou tel candidat (réseau Crosscheck). Cela traduit un changement de comportement des journalistes : plutôt que de continuer à tout miser sur l’enquête individuelle, la course au scoop, et la concurrence entre médias, il pratique un journalisme coopératif ou collaboratif ; la mise en commun des moyens permet de pénétrer les milieux les plus opaques et de révéler les secrets que l’on croyait les mieux gardés. L’affaire des Panama Papers en est le plus spectaculaire exemple.
Le corporatisme professionnel longtemps reproché aux journalistes, est en recul, lui aussi. Les universitaires, les chercheurs, les enseignants étaient présents en nombre aux Assises, apportant aux côtés voire en coopération avec des journalistes leur analyse critique sur l’évolution du monde de l’information.
Ainsi à Tours, le « journalisme utile » que Jérôme Bouvier, président de l’Association Journalisme et Citoyenneté, organisateur des Assises avait fait inscrire au frontispice de cette passionnante rencontre a pris tout son sens.
Jean Marie Dupont
(1) Le rapport 2018 de l’Observatoire de la déontologie de l’information, intitulé « Pour une information libre et responsable » est consultable sur http://www.odi.media
Toutes les informations sur les Assises internationales du Journalisme sont consultables sur le site : www.journalisme.com.