Les 25 et 26 janvier la CNMJ organise à la Sorbonne à Paris un colloque sur l’égalité entre les sexes dans les médias. Marie-Christine Lipani, sociologue, enseignante et chercheuse à l’Institut de Journalisme de Bordeaux Aquitaine aura l’occasion d’y présenter ses travaux. Elle vient en outre de publier « Accès réservé », un livre aux Editions de lire la suite
Les 25 et 26 janvier la CNMJ organise à la Sorbonne à Paris un colloque sur l’égalité entre les sexes dans les médias. Marie-Christine Lipani, sociologue, enseignante et chercheuse à l’Institut de Journalisme de Bordeaux Aquitaine aura l’occasion d’y présenter ses travaux. Elle vient en outre de publier « Accès réservé », un livre aux Editions de l’Harmattan
« Tous les ans, la CNMJ réunit une grande conférence nationale, et cette année le thème de l’égalité a été retenu. Cet organisme réunit avec les écoles de journalisme des syndicats, des institutions, et des représentants des médias. Les journées à la Sorbonne vont permettre d’aborder différents aspects de la condition des femmes dans les divers médias. »
Marie-Christine Lipani interviendra le 25 janvier à 14h30, sur le recrutement et les carrières des journalistes, animée par Nicole Gauthier, du CUEJ et Cyril Petit du JDD. Avec Laure Daussy, du collectif « Prenons la Une », elle participe à cette table ronde réunissant Elsa Freyssenet (Les Echos), Marc Bombarde et Laure Bezault (l’Equipe) et Philippe Boissonnat de Ouest-France (2).
« J’aurai l’occasion de présenter mon étude sur la presse régionale, qui vient de paraître (1), indique-t-elle, et qui a une originalité : il y a beaucoup de travaux sur les femmes dans l’audio-visuel mais très peu sur la PQR. Or, c’est un secteur à ne pas négliger. La PQR fait beaucoup d’audience, et elle n’a pas à rougir de sa diffusion, c’est chaque jour des dizaines de milliers de lecteurs qui la choisissent. »
Dans son travail de recherche, elle a compté et évalué ces responsables, en s’appuyant sur le Mediasig, guide des médias qui était édité par les services du Premier ministre. « Cet ouvrage annuel était renseigné par les médias eux-mêmes, et j’ai donc pu étudier ce qu’ils donnaient à voir d’eux-mêmes. Ensuite, j’ai pris tous les titres et j’ai comparé les 72 organigrammes d’un total de 64 quotidiens (dont sept outre-mer), plus les huit éditions régionales du Parisien. »
Au total, il y avait 377 personnes citées, soit 338 hommes et 39 femmes. « Cela ne veut pas dire, précise Marie-Christine Lipani, qu’il n’y a pas plus de femmes qui exercent des responsabilités dans les médias régionaux, mais il n’y en a que 10,35% qui sont citées dans les organigrammes. »
Elle note que « la presse nationale serait un peu plus égalitaire, mais c’est aussi parce qu’elle cite dans ses organigrammes les directions commerciales et financières. L’un des paradoxes de la PQR est qu’une femme a plus de chances de se retrouver aux finances et au commercial que dans une fonction éditoriale. »
Féminisation de la profession
Après le comptage, la chercheuse a conduit des entretiens semi-directifs avec des patrons de rédaction et des femmes exerçant des responsabilités.
« Ce qui est très intéressant, souligne-t-elle, c’est que depuis quelques années, des hommes qui étaient un peu paternalistes et sexistes ont été remplacés par d’autres. Et les employeurs mettent aujourd’hui en valeur la féminisation de la profession de journaliste. Ceux que j’ai vus disent que cela va s’amplifier car on recrute de plus en plus de jeunes. Mais il y a encore des hommes patrons qui ont tendance à penser que si on propose des responsabilités aux femmes, elles ne vont pas les assumer, à cause de leurs charges de famille ou parce qu’elles n’aiment pas le pouvoir ou l’argent. »
Ces stéréotypes ont la vie dure, et des contraintes de carrière s’y ajoutent. « Dans la PQR, si vous voulez faire carrière il faut bouger, donc les postes vont être discriminants. En PQN c’est moins vrai car cela se situe à Paris. S’y ajoutent les problèmes de réseaux, qui permettent de faire connaître ce qu’on est, sa disponibilité, etc… Et pour les hommes, la psychologie masculine a souvent construit l’identité sur la fonction, également face aux autres hommes, alors que la femme ne place pas uniquement son identité dans sa profession. »
Alors que faut-il faire pour établir la parité ? Pour Marie-Christine Lipani, « la première chose à faire est de dire tout cela, de montrer la réalité. Ensuite, il faut intervenir dans les écoles de journalisme pour que les futures générations aient conscience de ces problèmes. Ce qui me semble important c’est que l’impulsion arrive d’en haut. Que le patron chasse les vieux réflexes de machisme et de sexisme. Que l’on fasse attention à la place des femmes dans les médias, à la fois dans les colonnes et dans les fonctions. Je me réjouis que la CNMP ait choisi cette thématique, car les médias ne sont pas les plus vertueux : voir ce mouvement de protestation des femmes au Parisien, rejoint par celles de l’Obs. Et c’est important aussi d’évaluer la télévision. Il est essentiel que les médias soient exemplaires, car ils diffusent dans la société des modèles de femmes et d’hommes. »
Contacts
- « Accès réservé, le pouvoir au sein des quotidiens régionaux : une histoire de mâles » par Marie-Christine Lipani, Editions de l’Harmattan, collection Repenser les Médias, 19 euros.
- Conférence de la CNMJ, entrée soumise à inscription préalable, les 25 et 26 janvier en Sorbonne, 54 rue Saint-Jacques, Paris
- Renseignements sur cnmj.fr