Si l’élection du nouveau chef du Parti Québécois a fait couler pas mal de salive et d’encre depuis plusieurs semaines au Québec, c’est autant pour le défi que présentait la course au leadership que celui que représente maintenant le fait d’avoir, comme chef de l’opposition officielle, un milliardaire propriétaire de 40% des medias québécois. Situation lire la suite
Si l’élection du nouveau chef du Parti Québécois a fait couler pas mal de salive et d’encre depuis plusieurs semaines au Québec, c’est autant pour le défi que présentait la course au leadership que celui que représente maintenant le fait d’avoir, comme chef de l’opposition officielle, un milliardaire propriétaire de 40% des medias québécois. Situation qui pose problème aux journalistes et fait débat à l’Assemblée Nationale.
Revenons un peu en arrière. Mars 2014 : le Parti Québécois* en place, désireux de faire passer une loi sur la laïcité et sentant le vent en poupe au vu des sondages, déclenche une élection destinée à lui donner une majorité. L’affaire ne se passe pas comme prévu et il doit céder la place au gouvernement libéral de Philippe Couillard. Au cours d’une campagne électorale éclair de 5 semaines, le PQ avait été déstabilisé par l’arrivée en politique aux côtés de la Première Ministre Pauline Marois, de Pierre Karl Péladeau, un des hommes d’affaires les plus riches du Canada, à la tête de Québecor, empire médiatique de 14.000 salariés qui comprend journaux de presse écrite, presse numérique, éditions, télévision, téléphonie mobile et réseaux câblés. Madame Marois laisse alors un parti en pleine déconfiture mais comprenant des têtes bien faites qui s’alignent alors ce printemps dans la course à la « chefferie » aux côtés du nouveau venu. Pierre Karl Péladeau (PKP) n’ayant fait qu’une bouchée de ses cinq adversaires se retrouve après un an de vie politique chef du Parti Québécois et représentant de l’opposition officielle. Il devra, avant toute chose, clarifier sa situation personnelle.
Règles d’éthique à redéfinir
A l’arrivée de PKP en 2014 sur la scène politique, la Fédération Professionnelle des Journalistes s’était émue du mélange des genres que constitue l’exercice du pouvoir et la propriété de 40% de l’information au Québec, lui demandant de choisir entre sa carrière politique et son empire médiatique. Très rapidement, PKP avait déclaré vouloir mettre ses actifs au sein d’une Fiducie sans droit de regard au cas où il serait appelé à devenir le chef de son parti. Il a réitéré sa déclaration après son élection en précisant qu’il n’y était pas obligé par la loi-ce qui est vrai-, seuls les députés de l’Exécutif étant tenus de le faire.
Le Commissaire à l’éthique et à la déontologie est intervenu cette semaine à l’Assemblée nationale pour souligner que c’est aux députés de trancher l’épineuse question. Ceux-ci doivent-ils revoir les règles d’éthique compte tenu des conflits d’intérêts potentiels engendrés par la situation d’un chef de l’opposition qui risque de se retrouver à la tête du Québec dans trois ans ? Si au sein du PQ, on fait front commun pour défendre le chef, il n’en demeure pas moins que certains avaient déjà amplement dénoncé cette situation. Et les partis adverses ne vont pas manquer de faire durer le débat afin d’en tirer avantage. La FPJQ qui assure avoir pleine confiance en l’impartialité des journalistes de Québecor demande des garanties structurelles en suggérant-comme les adversaires politiques de PKP- que le nouveau chef vende ses actions de manière à garantir l’indépendance des médias. Ce qu’il n’est pas prêt à faire. A moins d’un mois de la fin de la session parlementaire, l’affaire ne sera pas réglée. La FJPQ annonce que sa position n’a pas changé et que la vigilance reste de rigueur.
*Créé en 1968, le PQ est le principal parti souverainiste au Québec. Deux référendums en 1980 et 1995 n’ont pas permis d’accéder à l’indépendance. Pierre Karl Péladeau, 53 ans en est le 8ème chef. Sept d’entre eux sont devenus Premier Ministre