Jean Eustache comble. Un plaisir de constater que la presse intéresse son public. Celui de l’Université populaire du cinéma. (Le principe : un cours d’une heure et demie, la projection d’un film sur le même thème) Ce 22 septembre, c’est une avant-première que François Aymé, le fondateur, a réservé à son public de (plutôt) lire la suite
Jean Eustache comble. Un plaisir de constater que la presse intéresse son public. Celui de l’Université populaire du cinéma.
(Le principe : un cours d’une heure et demie, la projection d’un film sur le même thème)
Ce 22 septembre, c’est une avant-première que François Aymé, le fondateur, a réservé à son public de (plutôt) seniors.
La projection du nouveau film d’Yves Jeuland « Les gens du Monde », un docu-report-film tourné de février à juin 2012 au coeur de la rédaction du Monde, en campagne présidentielle.
A cette date, le patron, Eric Israelewicz est encore vivant. Il décèdera brutalement dans le courant de l’été. Son style de management de la rédaction est particulièrement intéressant, ferme, sur des positions éditoriales claires, mais laissant une totale marge de manoeuvre à ses adjoints et à ses journalistes. Ce n’est pas de tout repos !
Il est vrai qu’au Monde, depuis l’instauration d’une société des rédacteurs, le travail donne lieu à des débats de fond permanents.
Yves Jeuland – à qui on reproche d’avoir trop ménagé son sujet et d’avoir été trop en empathie avec ses vedettes – a totalement restitué la travail d’une rédaction.
Il qualifie l’info d' »essoreuse ». Elle l’est plus que jamais dans ce contexte électoral. Les journalistes finissent leurs journées épuisés… mais la finissent-ils. L’info et l’actu, Le Monde, c’est dit l’un, « comme le Royaume d’Espagne… Le soleil ne s’y couche jamais ».
Cette impression d’urgence, d’agitation permanente, de remise en question constante, de réactualisation impérieuse, y compris au milieu de la nuit, elle est bien réelle et ne surprend pas vraiment ce public habitué désormais à capter l’info quand et où il le souhaite avec tablette et smartphone.
Mais en effet, quelle vie de chien, parfois, lorsqu’on s’est efforcé de traquer, en et hors meute, le héros – ici le futur président de la République- et qu’il vous sort trois banalités qui ne valent pas une ligne.
Tous les grands sujets de réflexion apparaissent naturellement au fil de ce suivi ( plus de 60 jours de tournage en 5 mois, « c’est énorme »)
Tous les poncifs déontologiques :
-Prendre parti ? Un journal de centre gauche doit-il ou pas appeler clairement à voter pour le candidat de Gauche ?
-On détient des verbatim exclusifs d’auditions d’un suspect nommé DSK : doit on publier des extraits accablants pour l’homme ? Céder au sensationnel ?
-Protection des sources, respect des acteurs de faits divers majeurs, offrir du prêt à penser ou des éléments contradictoires au lecteur, afin qu’il se fasse sa propre opinion ?
Avant le film, Patrick Eveno, professeur spécialisé en histoire de la presse a apporté la réponse : l’un des hommes qui ont marqué la vie du Monde, Hubert Beuve-Méry, nommé à la Libération, avait choisi la deuxième option.
C’est pourquoi plusieurs « sensibilités » sont représentées au sein de la rédaction. Elles s’expriment clairement au cours de ces fameuses réunions de debriefing de la Société des rédacteurs, ou au fil du travail.
Ce qui a changé depuis le numéro papier, titre gothique, images absentes ou avares, typographie revèche ?
-Les jeunes futurs dirigeants des années 70-90 sont devenus des papys ! Le journal n’a plus le lien viscéral avec cette classe d’âge. Les jeunes actuels ne lisent plus Le Monde.
-Le numérique et la « newsroom » se sont installés et ont tout remis en question. La rapidité, la fluidité, les tweets, ont chamboulé l’assurance tranquille des rédacteurs du grand journal de référence des années République.
-Faut il continuer à sortir le soir ? Ou le matin ?
-La pub numérique ne rapporte que très peu par rapport à la nécessité de faire vivre un quotidien papier et son imprimerie – et d’ailleurs la vente de l’imprimerie est en cours.
-Finalement, un journal quotidien est devenu une sorte d’agence ou de grande « radio » – voire télé- en continu.
Les stars du film sont d’ailleurs connues pour certains et certaines. On les voit déjà couramment à la télé où ils animent les plateaux de commentaires politiques.
Mais ce n’est pas propre au Monde. Tous les médias sont actuellement condamnés à jouer des mêmes outils. Et à repenser le rapport texte / image, immédiateté / réflexion.
Il leur faut choisir leur route en fonction de leur histoire, de leur nouveau public, de l’exigence du low cost. Une voie étroite pour chacun d’entre eux : vendre leur immeuble, sous-traiter l’impression, faire de l’événementiel, licencier par dizaine…
En tout cas, ce film, sans aucune emphase ou théorisation, montre des gens qui travaillent avec goût, compétence, abnégation et liberté de ton. Cela va totalement à l’encontre des clichés « tous pourris / presse aux ordres / larbins et planqués ». Cela donne envie de les lire !
Ce mardi 23 septembre, on devait savoir si LE MONDE de Pierre Bergé, Xavier Niel, et Mathieu Pigasse est choisi par TF1 pour mettre un pied dans LCI ? Où s’ils perd face au FIGARO ! (Mise à jour à 20h35 : Espoir réduit à néant par l’annonce, par la chaîne, d’un changement de format à la fin de l’année, accompagné du licenciement de 148 personnes)
L’histoire continue. Elle est passionnante, consubstantielle à la démocratie et à la vie des hommes.
Le Jean Eustache avait permis au Club de la Presse de Bordeaux et son partenaire ALIMSO d’inviter leurs membres de façon privilégiée à cette séance, dans le cadre de leur programme « Journalistes aux écrans ». On l’en remercie vivement. Ainsi que l’IJBA, dont les étudiants de 1ère année, en groupe dru et intéressé, a contribué au succès de cette soirée.
Marie Christiane Courtioux
( Merci de sa participation à Jean-Marie Dupont, ancien président de la Société des rédacteurs du Monde et membre du CA du Club de la Presse de Bordeaux, dont le témoignage a été un très gros PLUS !)
Le programme de la semaine au Jean Eustache
LIRE l’Historique de Patrick Eveno* sur INA GLOBAL, qui a alimenté son intervention ( *Président de l’ODI)
LIRE AUSSI : l’Incroyable succès de l’UNIPOP, l’Université populaire du cinéma.
LIRE ENCORE ! TELERAMA pour voir un extrait