L’Affaire Cahuzac Le « making of » de Mediapart Cas d’école au plan politique et juridique, l’affaire Cahuzac l’est aussi au plan journalistique. Le livre de Fabrice Arti (1) est à ce titre exemplaire. On peut le lire, prendre des notes, le méditer et le commenter aussi bien dans les écoles de journalisme que dans lire la suite
L’Affaire Cahuzac
Le « making of » de Mediapart
Cas d’école au plan politique et juridique, l’affaire Cahuzac l’est aussi au plan journalistique. Le livre de Fabrice Arti (1) est à ce titre exemplaire. On peut le lire, prendre des notes, le méditer et le commenter aussi bien dans les écoles de journalisme que dans des débats initiés par les Clubs de la Presse. Tant de sujets sont abordés qu’on ne peut que réfléchir sur l’état de la France, le monde de la finance, le journalisme en général et le travail d’investigation en particulier. Il y a là matière à enseignement.
On croyait tout savoir de l’affaire Cahuzac tant les médias en avaient suivi le cours pendant quatre mois d’affilée, on croyait avoir tout compris de l’attitude de l’ancien ministre du budget, son culot, ses mensonges, ses aveux, mais c’était méconnaître les multiples ramifications d’une histoire qui, on en prend conscience, est loin d’être terminée. Ou tout au moins devrait se poursuivre car c’est toute la question concernant la suite des événements, à savoir la fuite des capitaux et les stratagèmes de la haute et de la basse finance, qui est ici abordée. Le « making off » de l’enquête Mediapart révèle en effet la mise en scène d’un système, qualifié si justement d’obscène – c’est-à-dire hors scène – car établi par quelques uns à l’insu de tous.
L’auteur rappelle aussi combien la couverture médiatique de l’événement fut discutable ! Il revient sur l’attitude des uns réclamant des preuves à satiété alors que les faits sont là exposés en plein jour, les accusations des autres, dénonçant les journalistes « donneurs de leçons », « juges » ou pire, « terroristes », et prouve, s’il le fallait, que l’information, même fondée, est souvent mise à mal quand elle met en cause le pouvoir en exercice. Heureusement les faits sont têtus, surtout quand ils sont défendus contre toutes les attaques, par des journalistes convaincus de leur devoir d’informer. Et heureusement que Mediapart était là pour enquêter, sans quoi qui aurai su, et qui, sachant, aurait fini par dire la vérité, une vérité à laquelle personne dans le monde politique ne voulait croire et encore moins admettre ? Ce récit des faits,– quitte à être répétitif, mais il n’est pas inutile de l’être, compte tenu de l’énormité et de la complexité de l’affaire rapportée — nous saute à la figure à chaque page. Les témoignages inédits, les épisodes passés sous silence, les répercussions annoncées, illustrent le travail minutieux d’un journalisme au long cours. On est là au cœur d’une affaire, qui non seulement révèle de façon écrasante la personnalité d’un fraudeur et qui plus est ministre, mais encore qui met en lumière avec précision les procédés de détournement de fonds et de fraude fiscale devenus « sport national » par ceux qui se croient tout permis. Ce qui est ici dénoncé comme la « mafiosisation » du monde, Fabrice Arfi, par ce complément d’enquête, à en être les témoins et peut-être plus encore, tant nous en sommes les premières victimes. On n’est donc jamais assez informé car, à la lecture de cet ouvrage, on voit combien la démocratie est en permanence menacée.
Barthélèmy
P.S. On lira aussi à profit, Les Straus-Kahn de Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, paru en mai 2012 chez Albin Michel, où l’on retrouve certains protagonistes, notamment le conseiller Stéphane Fouks d’Havas Worlwide
(1) L’Affaire Cahuzac en bloc et en détail, Fabrice Arfi avec la participation de Mediapart, DonQuichotte, mai 2013, 286 p, 20 €.