Mardi 2 avril. L’actu a repris son cours. On ne fait plus dans le canular, on met les oeufs et les poissons au frigo. L’actu se réveille en plein drame. Après la mort d’un candidat dans un jeu de téléréalité ( « téléaventue » selon la production) hier, on a appris le suicide du médecin de l’équipe lire la suite
Mardi 2 avril. L’actu a repris son cours. On ne fait plus dans le canular, on met les oeufs et les poissons au frigo. L’actu se réveille en plein drame. Après la mort d’un candidat dans un jeu de téléréalité ( « téléaventue » selon la production) hier, on a appris le suicide du médecin de l’équipe de tournage.
Dans une lettre publiée avec l’accord de sa famille, il dit ne plus supporter les soupçons de négligence, voire accusations de non assistance à personne en danger, qui lui sont adressés.
Comme à bord d’un avion sans pilote et sans boussole, tout le monde est saisi par l’horreur et pris de panique. La chaîne, les producteurs, les participants, le public des réseaux sociaux. On passe du Lol insouciant à la tragédie antique. Où le héros des jeux du cirque meurt à la fin, dépecé par les lions et les tigres des marchands de mercenaires, encouragés par la curiosité malsaine de la foule ivre d’émotions.
Le trait est forcé ? Ce n’est pas exactement cela ?
On avait eu droit dernièrement à l’étonnant reportage sur les acteurs du jeu le plus sadique du Paf, le » Jeu de la mort ». Le joueur, par ses impulsions sur le buzzer, prend conscience qu’il torture un souffre douleur à coup de chocs électriques. La plupart des joueurs-bourreaux hésitent, doutent, sont sur le point de se révolter, mais continuent à appuyer servilement sur le bouton à la demande du meneur de jeu.
Dans le jeu d’aventure sauvage, le public se repaît des efforts et des privations, parfois surhumains, infligés aux concurrents.
On objectera: ils ont accepté la règle du jeu en toute connaissance de cause.
Un coup de pompe, même sévère, c’est pratiquement la norme.
Un malaise mortel ? On n’ose même pas l’envisager.
Ce cercle infernal des jeux du cirque est vieux comme le monde.
Comme la tauromachie, la télé réalité satisfait les aspirations les plus ambigües : d’un côté, on souhaite ardemment la victoire du héros grandi dans l’épreuve; de l’autre, on se délecte de l’angoisse de sa mort annoncée.
Résultat, à vivre sur ce cocktail explosif, le pire devient réalité.
Il y aura eu un avant la mort du candidat et de son médecin. Il y aura un après, les larmes de crocodiles des voyeurs compassionnels, la mise à mort de l’émission, puis la judiciarisation des faits pour quelques milliers de dollars ( ou d’euros) de plus en dommages et intérêts.
Le rideau n’est donc pas retombé. Place à la nouvelle série, au fabuleux feuilleton des prétoires.
Et nous médias ?
Planchons une fois de plus sur la question qui se pose tous les jours: où placer le curseur entre légitime et salutaire catharsis d’un monde cruel et dramaturgie mortelle.
Quelle frontière entre liberté d’informer et de distraire à travers des outils surpuissants et naufrage collectif de toute dignité ?
Marie Christiane Courtioux