L‘Union des Photographes Professionnels (UPP) Nouvelle Aquitaine a tenu, le 9 novembre dernier au Club, ses traditionnels ateliers sur deux thèmes d’importance : « Travailler en corporate » et « Atelier juridique sur le droit d’auteur et droit à l’image« . Une trentaine de professionnels y ont participé. Le premier atelier, « Travailler en corporate« , était animé par François Blazquez. Au cours de lire la suite
L‘Union des Photographes Professionnels (UPP) Nouvelle Aquitaine a tenu, le 9 novembre dernier au Club, ses traditionnels ateliers sur deux thèmes d’importance : « Travailler en corporate » et « Atelier juridique sur le droit d’auteur et droit à l’image« . Une trentaine de professionnels y ont participé.
Le premier atelier, « Travailler en corporate« , était animé par François Blazquez. Au cours de ces deux heures, celui-ci a fait part de son expérience sur les missions photos réalisées pour des grandes entreprises (Reel, Céva) ou pour des PME.
Travailler pour des grandes entreprises : elles disposent en général d’un service com ou d’une agence rattachée à leur communication. Les cahiers des charges sont bien définis mais ces entreprises seront attentives aux propositions du photographe. Elles connaissent le principe du droit d’auteur, l’Agessa, la TVA à 10%…
Travailler pour des PME : il n’y en général pas de service de communication. Il convient d’être à l’écoute de son interlocuteur (en général le directeur) pour comprendre ses attentes et lui faire des propositions. Il ne connait pas forcément le droit d’auteur ni les subtilités du précompte Agessa, lorsque l’on n’est pas affilié. Du temps, de la patience et de la pédagogie sont nécessaires lors des entretiens. Ensuite, lorsque le client est satisfait, il revient en toute confiance.
Prospection : Le fait de bien connaitre un secteur d’activité (travaux publics, ingénérie, recherche, viticulture, métiers du bâtiment, déco…) facilite la prospection dans ce domaine : on parle le même langage que son interlocuteur ; il voit que l’on connait les problématiques et il fait plus facilement confiance.
Fréquenter les salons professionnels. Se présenter au directeur ou chargé de com, permettra par la suite de s’affranchir du barrage de la secrétaire pour obtenir un rendez-vous. Bien analyser l’entreprise que l’on démarche de façon à pouvoir faire des propositions de prise de vues.
Bien comprendre les besoins du client et adapter son discours à l’entreprise.
Mettre en avant sa façon de voir les choses,son équipement en matériel, sa méthode de travail.
Chercher ses contacts dans les annuaires professionnels, pour accéder directement au chargé de communication.
Avoir une communication ciblée pour ce type de travail (site internet). Bien faire apparaitre ses coordonnées complètes sur tous ses supports (site internet, papier à en-tête, cartes de visite), avec son adresse (certains clients cherchent la proximité), téléphone, mail, site internet, mais aussi les numéros de Siret, Agessa, assurance professionnelle, etc., de façon à montrer que l’on est bien un professionnel.
Préparer le devis : bien évaluer le temps de prise de vue, les moyens à mettre en place, les déplacements, le temps de postproduction (en moyenne un jour de postprod pour un jour de prise de vues), mais le travail de retouche peut devenir très lourd s’il faut sublimer les images. Enfin, bien estimer l’importance des droits de reproduction à céder pour aboutir à un montant de facture forfaitaire.
Si les frais sont lourds (location de matériel, billets d’avion, remboursement de kilomètres, hôtel, restaurant), il conviendra de faire une note de remboursement de frais à part.
Une note de frais séparée permet d’alléger le montant du devis. Pour le client, ces frais ne sont pas forcément affectés au même poste de dépense que la commande.
L’UPP préconise un montant forfaitaire pour une journée de prise de vue incluant la journée depostproduction et les droits de reproduction pour la communication de base d’une entreprise (site internet, flyer, PLV, exposition sur stand), à l’exclusion de la publicité avec achat d’espace et la cession à des tiers. Ce montant varie de 700 à 1.200 €, en fonction de la technicité des prises de vue et du périmètre des droits cédés.
Ne commencer à travailler que lorsque le devis est signé et tamponné. Ne rien livrer sans cette condition.
La cession de droits : le montant d’une cession forfaitaire des droits doit être proportionnel à l’utilisation qui sera faite des photos.
En général on cède les droits pour le site internet, sans téléchargement, les flyers, prospectus, catalogue, intranet, PLV, photos décoratives dans l’entreprise ou stand commercial.
La publicité avec achat d’espace entrainera complément de droits d’auteur. Pour la cession à des tiers, (partenaires, presse) il convient d’être vigilent. Elle ne doit s’appliquer que sur quelques photos, sur lesquelles l’entreprise est bien identifiable, sinon, les photos peuvent être réutilisées par la concurrence ou illustrer des articles de presse qui n’ont rien à voir avec le commanditaire du reportage. Cette restriction permet de protéger le photographe (et la profession !) mais aussi le client qui risque de voir son image détournée.
Il convient donc de bien cadrer avec son client les utilisations qui seront faites du travail de commande, et de bien les mentionner sur son devis, facture et conditions générales de vente.
En cas de problème de recouvrement de sa facture, contacter un huissier, qui se fera rémunérer en pourcentage sur le montant encaissé.
NB : L’état a engagé une réforme des régimes sociaux, dont l’ Agessa. Théoriquement cette réforme doit prendre effet en 2019. A l’heure qu’il est nous n’avons aucune information sur son contenu. Cependant il semblerait que le principe du précompte soit abandonné, pour les auteurs qui le souhaitent. Il serait donc possible d’être affilié dès son inscription d’activité auprès de l’ URSSAF. A suivre.
RAPPEL : L’assurance professionnelle est indispensable pour exercer son activité !
Droit d’auteur et droit à l’image
L’« Atelier juridique sur le droit d’auteur et droit à l’image » était animé par maitre Charlotte de Reynal, avocate spécialiste du droit d’auteur.
Au cours de cet après-midi, Maitre de Reynal a exposé comment se protéger contre le piratage de ses photos, la marche à suivre en cas de contrefaçon, les pièges à éviter lorsque l’on veut faire valoir ses droits, comment encadrer ses contrats de cession, les précautions à prendre en matière de droit à l’image des personnes et des biens, et en répondant aux nombreuses questions soulevées par ses propos.
Tout d’abord, il convient au photographe de bien mentionner sur ses contrats l’étendue de la cession des droits, dans la durée, la zone géographique et les différentes utilisations autorisées.
Bien que, par principe, tout ce qui n’est pas expressément cédé soit réputé retenu par le photographe, il peut être utile de mentionner les exclusions à la cession de droit (libre-téléchargement sur le site internet du client, publicité avec achat d’espace, cession à des tiers…).
En cas de cession à des tiers, bien préciser les coordonnées de ces tiers autorisés et leur interdire une quelconque sous-cession.
L’auteur doit concilier ses droits avec les droits de ses clients.
Nombre de litiges apparaissent lorsque le client du photographe transmet des fichiers à un tiers, ou les laisse en accès libre sur internet.
Dans ses conditions générales de vente, le photographe peut préciser « tous autres droits réservés« , ou mentionner « le client reconnaît l’originalité des photos« .
En cas de litige, le juge n’est pas obligé de suivre, mais, en général, il en tient compte dans son appréciation.
Les contrats imposés par certains clients mentionnant « tous droits cédés » n’ont pas de valeur car ils ne respectent pas le formalisme légal et sont donc attaquables.
Il est indispensable de bien remplir les champs IPTC de ses fichiers avec ses coordonnées et la mention de droits gérés. Ces données pouvant être supprimées, certaines sociétés proposent des codages indélébiles.
Les outils pour détecter le piratage de photo : abonnement à Pixtrakk, société française de traçage de photo, http://www.pixtrakk.com/ qui contrôle le web et toutes les publications de la presse française.
Google Images : Il suffit de faire glisser une photo sur le cartouche de recherche de Google Images pour voir apparaître les copies qui circulent sur le web.
Lorsqu’on constate une publication non autorisée, commencer par faire faire un constat par un huissier. L’étude TGGV de Maitre Guignard, à Libourne (reçu lors d’une précédente rencontre UPP-NA) est habilitée à établir de tels constats http://www.tggv.fr/ .
NB : l’outil Pixtrakk signale le match entre une photo déposée et une publication, puis, fait intervenir un avocat, à la demande de l’auteur, pour régler le préjudice à l’amiable. Il est impératif de bien identifier le contrefacteur !
La SAIF https://www.saif.fr/ dispose de juristes assermentés qui peuvent constater une contrefaçon, et négocier puis recouvrir les indemnités de dommage au nom de ses auteurs sociétaires. La Saif se rémunère par un pourcentage sur les sommes perçues.
En cas de litige, maitre de Reynal préconise un règlement à l’amiable pour éviter l’aléa judiciaire et le temps judiciaire.
Sur les sites de partage, les conditions d’utilisations sont obligatoires et il convient de cocher ou décocher, les cases limitant la cession des droits afin de rester dans la copie privée en excluant tout usage commercial de ses photos (voir les différentes licences « creative commons » https://fr.wikipedia.org/wiki/Licence_Creative_Commons ).
Souvent l’argument de la partie adverse est de dire que la photo n’est pas originale. Il convient donc de pouvoir argumenter sur le sujet : choix du cadrage, de la lumière, de l’instant, mais aussi du traitement numérique du fichier (technique de développement, retouches).
La négociation apporte de bons résultats et permet à l’auteur d’obtenir une indemnisation correcte, rapide et à moindre frais. En général le photographe peut demander le prix de la publication, qui peut être basé sur les barèmes de l’UPP, doublé d’une indemnisation pour l’absence d’autorisation ainsi que pour l’absence de signature.
Si la négociation tourne court et que l’auteur décide d’engager une procédure, cet argument sur l’originalité sera systématiquement étudié par les juges, qui peuvent retourner le jugement contre le photographe au motif que la photo n’est pas originale.
Seul le Tribunal de Grande Instance (TGI) est compétent pour juger les litiges de contrefaçon.
Le Tribunal de Commerce ne peut intervenir qu’en matière de concurrence déloyale, ce qui est difficile à prouver.
La contrefaçon est également une infraction pénale. La difficulté est de trouver un commissariat de police qui accepte d’enregistrer la plainte, et l’indemnisation sera faible.
Les procédures judiciaires sont très longues, en moyenne deux à quatre ans. Voilà pourquoi Maitre de Reynal préconise la négociation, surtout pour des petits litiges, même si, en cas de succès, l’indemnisation jugée par un tribunal peut-être plus importante que par une négociation à l’amiable.
Le droit d’auteur ne s’applique pas à la copie privée (pour laquelle les auteurs membres d’une société d’auteur telle que la SAIF, perçoivent des droits collectés au titre de la copie privée).
L’acheteur d’un support (fichier, tirage d’artiste) est propriétaire du support, mais pas des droits, et ne peut donc pas l’exploiter sans l’accord de l’auteur.
La transclusion concerne l’accès à des documents, donc des photos sur Internet, par un lien hypertexte. Il n’y a pas encore de décision de justice française sur ce sujet écartant cette qualification lorsque la photo est visible sur le site tiers.
Difficulté pour recouvrer ses droits lorsque le contrefacteur est à l’étranger, surtout dans les pays n’ayant pas signé la convention de Bern (certains pays africains ou asiatiques)
Une photo utilisée par un artiste pour l’inclure dans son œuvre, implique l’autorisation de son auteur.
Droit à l’image :
Il n’y a pas de législation propre au droit à l’image, mais un cumul de jurisprudences parfois contradictoires, pouvant dépendre de différents codes.
Après les excès des années 90, les juges considèrent, aujourd’hui, que le plaignant doit démontrer qu’il a subi un préjudice suite à la publication d’une photo.
D’une manière générale, les jurisprudences sont favorables aux auteurs dans le cadre des créations artistique (affaire Luc Delaye), et pour les publications en presse, dans la mesure où les photos sont en adéquation avec le sujet.
Si, dans une scène de rue, un personnage est particulièrement mis en avant, il est en droit de revendiquer son droit à l’image. Encore faut-il qu’il prouve le préjudice
Le fait de flouter le visage, alors que la silhouette du personnage est identifiable ne sert à rien.
Les personnes publiques, photographiées dans le cadre de leur activité, ne peuvent prétendre au droit à l’image.
Les œuvres d’art dans l’espace public, y compris les créations architecturales sont protégées.
En architecture, il y a le droit du propriétaire et le droit de l’architecte qui a le statut d’auteur (protection 70 ans après sa mort). Dans tous les cas, le nom de l’artiste ou de l’architecte doit figurer dans la légende.
C’est le propriétaire du bien qui doit donner son accord et non le locataire. De fait dans une copropriété, il est difficile d’avoir toutes les autorisations… Néanmoins, le propriétaire ne peut utilement revendiquer une atteinte à l’image de son bien que s’il prouve que la publication lui a causé un « trouble anormal » qu’il est difficile de qualifier.
Dans le cas de street-art et de graff sur un bâtiment, le créateur, même clandestin est considéré comme un artiste. Il convient donc d’avoir son accord et de mentionner sa signature. Le propriétaire du mur tagué doit en principe donner son accord, si le bâtiment est identifiable, mais dans la pratique, il lui sera difficile de prouver un préjudice.
Pour toutes utilisations publicitaires, la plus grande vigilance est nécessaire car le plaignant pourra facilement prétexter le préjudice. Il convient donc d’avoir les autorisations des personnes ou du propriétaire du bien.
Après, c’est une affaire de bon sens. Le photographe doit prendre un minimum de précautions dans la diffusion de ses photos et mettre des restrictions adaptées en fonction de la publication de ses photos, afin de limiter les risques.
Dans les données IPTC des fichiers (champ « instruction« ) il est indispensable de mentionner les éventuelles restrictions de droits et de préciser que l’utilisation doit être conforme à la légende.
Lors d’une publication, si l’image est détournée de son sens premier, c’est le diffuseur qui est responsable.
Là encore, en cas de problème avec un plaignant, un arrangement à l’amiable sera préférable à une procédure.
Droit des marques : si une marque estime que la représentation de son logo ou de son matériel sur une photo lui porte préjudice, elle peut se retourner contre le photographe.
Au cours des échanges, Stéphane Scotto nous a fait part de ses différentes expériences en matière de procédures pour contrefaçon, et de la lenteur de la justice pour juger ses affaires. Le litige l’opposant depuis deux ans à un promoteur immobilier, qui a utilisé abusivement une de ses photos pour une plaquette commerciale et un panneau de 60 mètres carrés pour la présentation d’une opération immobilière, n’est toujours pas jugé.
Jean-Claude Meauxsoone informe des bons résultats obtenus par la SAIF (Société des auteurs image fixe) pour régler son problème de piratage de photos.
Philippe Roy
(texte et photos)