Entre le désenchantement de la construction européenne au quotidien pour les Aquitains et la peur des Etats membres de perdre leur souveraineté ; l’Europe centralise toutes sortes de ressentis et enflamme les débats. Il est debout, au fond de la grande salle Vitez du TnBA à Bordeaux, il a environ 23-24 ans et il a lire la suite

Entre le désenchantement de la construction européenne au quotidien pour les Aquitains et la peur des Etats membres de perdre leur souveraineté ; l’Europe centralise toutes sortes de ressentis et enflamme les débats.

Il est debout, au fond de la grande salle Vitez du TnBA à Bordeaux, il a environ 23-24 ans et il a le poing levé. Ce jeune ingénieur sans emploi, c’est ainsi qu’il s’est présenté, est révolté et il le montre. Il vient de dire haut et fort, grosso modo, que « l’Europe est un échec, qu’elle ne fait pas la croissance, qu’elle ne sert à rien ».

S’il lève le poing, c’est parce que Jean Quatremer, correspondant de Libération à Bruxelles, transformé pour l’occasion en grand tribun pro européen vient de répondre à ce jeune homme qu’il fallait plutôt apprendre à vivre avec les autres (les autres pays, les autres peuples) et arrêter de ne penser qu’à ses petits problèmes.

En fait, le journaliste essayait, avec véhémence, de démontrer la difficulté de la France, pays jacobin par excellence, de se penser en Europe, de ne pas appréhender l’Europe comme l’affaiblissement de la nation.
Et de rappeler : « l’identité nationale est plus menacée par les manquements de certaines élites politiques françaises ou encore les propos d’Eric Zemmour ».
Pour Jean Quatremer, « on oublie trop souvent que l’Europe est un ilot de paix dans un monde habité par la guerre ».

Du coup, l’attitude passionnée de Jean Quatremer qui ne cesse de s’en prendre au gouvernement français provoque le courroux du journaliste Ivan Levaï, qui de la salle, se transforme en pro Hollande rappelant que la « France fait ce qu’elle peut ». Ambiance. Ambiance !!!

Le débat « Bruxelles contre les nations » organisé dans le cadre des dernières Tribunes de la Presse n’a pas manqué de panache et illustre la diversité des ressentis mais aussi les malentendus des français vis-à-vis de la construction européenne.

Les régions, sous traitantes du pouvoir central

Faut dire que sur scène, les intervenants sont en majorité pro européens. Henri Guaino, député et ancien conseiller à l’Elysée, on s’en doutait, manque à l’appel.

Roy Perry, le leader du Comté du Hampshire (Angleterre) s’est auto qualifié de conservateur pro européen « comme un tiers de mon parti, dit-il. Un autre tiers des membres est contre et le dernier tiers est dans le flou ».

Et d’ajouter :
« En Grande Bretagne, le mot Bruxelles est devenu un gros mot, dès que quelque chose va mal, c’est facile de toujours critiquer Bruxelles ».
Mais ce dernier est convaincu, d’une part, que la Grande Bretagne perdrait de son influence si elle sortait de l’Europe à condition que celle-ci reste une association d’Etats libres et souverains, et d’autre part, qu’il est plus que nécessaire, « par le biais d’un référendum, de demander aux Anglais leurs avis sur cette question».

« Je préfère parler avec Bruxelles plutôt qu’avec Paris ». Alain Rousset, le président de la Région Aquitaine n’a pas caché son ressentiment et son amertume face au fonctionnement et aux lourdeurs de l’Etat français. « Les Etats ont peur de perdre leurs pouvoirs, martèle t-il, et la France risque d’être le dernier état centralisé. Les régions notamment sont dans une situation de sous-traitance vis-à-vis du pouvoir central, alors que c’est la créativité du territoire qui fait le job ».

Pour Jean Quatremer, « L’Europe a aussi crée de la croissance au sein du marché intérieur » et s’il faut, certes, « contrôler l’utilisation des fonds européens, il faut aussi, et en priorité, contrôler davantage les dépenses publiques françaises ».

Patrick Venries, le directeur général délégué du quotidien régional Sud Ouest semble plus modéré et ses propos reflètent les préoccupations de ses lecteurs. Il évoque le désenchantement de l’Europe « qui se mêle de tout et qui nous dit à nous comment il faut vivre, ici dans le Sud Ouest et entre autres ne plus chasser la palombe » ; non sans rappeler au préalable, que son journal s’est fondé sur la foi dans l’Europe. « Mais l’Europe a déçu ». Et pour lui, le phénomène s’accentue parce que « les élus sont trop peu nombreux à défendre l’Europe au quotidien ».

Ce débat bouillonnant, ponctué de propos souvent riches en couleurs, n’a certes pas permis de faire le tour de la question et des enjeux, mais on retiendra un message clé porté par le représentant du flegme britannique, un message à l’attention de la jeunesse et c’est le plus important. « Il faut obtenir le maximum de qualifications, suivre des formations, se mouvoir au sein des Etats membres, soutient Roy Perry. Le temps et l’argent passés à se former ne seront jamais perdus ».
 
Marie Christine Lipani

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