Article sur la liberté d'expression et de la presse.

180 pays évalués. 130 nations où le journalisme n’a plus droit à une parole libre et sincère. 12% de ces territoires où la situation est qualifiée de « très grave ». Telle est la réalité sur l’état des lieux du milieu journalistique à ce jour dans le monde, selon le Classement mondial de la liberté de la lire la suite

180 pays évalués. 130 nations où le journalisme n’a plus droit à une parole libre et sincère. 12% de ces territoires où la situation est qualifiée de « très grave ». Telle est la réalité sur l’état des lieux du milieu journalistique à ce jour dans le monde, selon le Classement mondial de la liberté de la presse 2021 des Reporters sans Frontières (1).

L’indignation des populations, ce bilan sinistre

Chaque année, l’ONG Reporters sans Frontières (RSF) se donne la mission de faire le constat du respect ou non de la liberté de la presse, dans le monde, pays par pays. Ce classement mondial soulève la difficulté des différents acteurs de l’information au sein de l’ensemble du système sociétaire à enquêter et révéler les vérités cachées d’aujourd’hui.
Un état des lieux dont on connaît déjà trop bien la finalité. Il s’agit de rappeler la menace pesant au-dessus de l’accès à l’information.
En effet, les journalistes sont agressés et blessés lors de manifestations. Des lois menaçant la liberté de la presse sont adoptées. En France, c’est le cas avec l’article 24 de la Loi Sécurité Globale notamment. Il vise à « limiter la diffusion d’images des forces de l’ordre sur le terrain » (2), induisant ainsi une crainte des médias d’être condamnés pour la publication d’images mettant en scène des incidents provoqués par des policiers.
Cette menace de l’information, elle pèse aussi sur certaines rédactions qui sont même attaquées. Souvenez-vous, par exemple, de l’invasion du siège de la chaîne de télévision américaine CNN. C’était le 30 mai 2020, à Atlanta, où des manifestants ont fracturé fenêtres et façade de l’édifice, et ont commencé à s’introduire à l’intérieur des bâtiments. En réponse à cet affront, le Président Donald Trump avait alors retweeté le tweet disant : « Ironie du sort, le siège de CNN est attaqué par des émeutiers que (la chaîne) a présenté comme nobles et justes. Oops ».

Cette colère envers le journalisme, elle s’explique par l’anormalité des actualités que nous partage aujourd’hui les médias. Le peuple ne veut plus croire à cette réalité qui perd son sens progressivement. Pourtant, la presse ne fait que la relater cette vérité. Et, c’est pourtant ce déni maladif de véracité qui se transforme en haine du journalisme. Il entraîne déjà avec lui la mort de certains lanceurs d’alerte, reporters et journalistes. C’est une réalité qui ébranle, qui décontenance, et qui malheureusement, elle ; n’est pas fictive. Ces disparitions, en voici quelques noms.

Israel Vasquez, journaliste mexicain, tué par balles le 9 novembre 2020, alors qu’il effectuait un reportage sur la découverte de restes humains dans l’Etat de Guanajuato, au Mexique (3).
Jesús Alfonso Piñuelas, fondateur des médias Zarathustra Press et El Shock de la Noticia, a été abattu le 2 novembre 2020, une semaine auparavant, alors qu’il circulait à moto.
Au Mexique toujours, c’est Arturo Alba Medina, journaliste du groupe TV Multimedios Televisión, qui a été criblé de balles dans sa voiture au sortir de studios de télévision, le 29 octobre 2020 (4).
En Inde cette fois, c’est le journaliste Jagendra Singh qui clame avoir été battu puis aspergé de pétrole avant de succomber des suites de ses brulures une semaine plus tard, en juin 2015 (5). Jugée comme une affaire de suicide, cette disparition n’en reste pas moins douteuse au vu des circonstances. En effet, le journaliste était alors en train d’enquêter sur une exportation illégale de sable lorsqu’il a été attaqué.

A ceux qui croient toujours en la liberté de la presse et d’expression

La vocation journalistique concerne la découverte et la diffusion d’une information authentique. Cependant, ce sont parfois la justesse et la pertinence de cette dernière qui tendent à remettre en cause des principes et des croyances. C’est l’angoisse suggérée à la vision qu’une nation bascule au savoir de cette information : le mobile de ces crimes. Enquêter et diffuser l’information est aujourd’hui censuré, voire condamné par la société dans une majorité inquiétante de pays du monde. En effet, selon le Classement mondial de la liberté de la presse 2021 des RSF, le journalisme se trouve dans une « situation difficile » voire « très grave » dans 73% des pays évalués. Elle est même dite « problématique » pour certains d’entre eux (1).
Ce même classement n’a jamais rapporté une analyse aussi négative des conditions d’exercice de la profession journalistique. Seul 7% des pays évalués, soit 12 pays, se trouvent dans un environnement favorable pour s’exprimer librement (1).

De ce constat peu optimiste, il existe néanmoins une partie de la population mondiale qui lutte pour défendre cette liberté d’expression et de la presse. Certains se rassemblent toujours pour rappeler que cette peur de la réalité, ils la comprennent, mais qu’ils ne tuent pas pour elle. Ces citoyens du monde, ils préfèrent plutôt remercier celles et ceux qui ont la témérité de propager la vérité.
En voici un échantillon de ces preuves de fraternité, d’appui et de solidarité : car il est essentiel de le rappeler. Ils existent toujours ces soutiens : comme celui pour Khaled Drareni, journaliste pour TV5 (6). Elles sont encore présentes ces mobilisations pour dénoncer les actes d’intimidation dont la journaliste Morgan Large a été victime dernièrement, par exemple (7). Il y a aussi ces hommages rendus au travail inachevé des journalistes emprisonnés et disparus. Ils sont rendus possible par des travaux d’investigation, comme celui du réseau de journalistes Forbidden Stories (« Histoires Interdites ») (8). Sans oublier ces organisations comme le CPJ à New York, l’ONG néerlandaise Liberté de la Presse Sans Limites, Rory Peck Trust à Londres, et Reporters sans Frontières en France, qui luttent au quotidien pour protéger les fondamentaux du journalisme et leurs auteur.e.s.

 

Il semblerait que la société ait un besoin irrépressible de déconsidérer le journalisme. Certains parlent de personnalités politiques, de forces policières ou de puissants PDG qui engendrent le discrédit de l’information issue de la presse. Le plus inquiétant reste pourtant l’avis du peuple à ce sujet. En effet, ce dénigrement du milieu journalistique devient chronique et se propage bien vite. Ne serions-nous pas là aussi les témoins d’une épidémie de méfiance aiguë ?

Kim Gaborieau

 

Sources 

(1) Classement mondial de la liberté de la presse 2021 des Reporters sans Frontières : https://rsf.org/fr/classement-mondial-de-la-liberte-de-la-presse-2021-le-journalisme-est-un-vaccin-contre-la

(2) Quelles sont les principales mesures de la loi de « sécurité globale » examinée à l’Assemblée ?, Le Monde, le 29 novembre 2020 : https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2020/11/17/quelles-sont-les-principales-mesures-de-la-loi-de-securite-globale-examinee-a-l-assemblee_6060063_1653578.html

(3) Mexique : un journaliste tué par balle, le troisième en moins d’un mois, FranceInfo, le 9 novembre 2020 : https://www.francetvinfo.fr/monde/ameriques/mexique-un-journaliste-tue-par-balle-le-troisieme-en-moins-d-un-mois_4175159.html

(4) Mexique : trois journalistes assassinés en 10 jours, RSF, le 10 novembre 2020 : https://rsf.org/fr/actualites/mexique-trois-journalistes-assassines-en-10-jours

(5) Brûlé vif après avoir dénoncé les « mafias du sable » en Inde : l’enquête du projet « Green Blood » sur la mort du journaliste Jagendra Singh, FranceInfo, le 22 juin 2019 : https://www.francetvinfo.fr/monde/inde/brule-vif-apres-avoir-denonce-les-mafias-du-sable-en-inde-l-enquete-du-projet-green-blood-sur-la-mort-du-journaliste-jagendra-singh_3502149.html

(6) Algérie : le soutien des journalistes français à leur confrère Khaled Drareni, Europe 1, le 7 septembre 2020 : https://www.europe1.fr/medias-tele/algerie-les-journalistes-francais-temoignent-leur-soutien-a-leur-confrere-khaled-drareni-3990214

(7) Rostrenen : grosse mobilisation en soutien à la journaliste Morgan Large, victime d’intimidations et de malveillance, France 3 Bretagne, le 6 avril 2021 : https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/rostrenen-grosse-mobilisation-en-soutien-a-la-journaliste-morgan-large-victime-d-intimidations-et-malveillance-2032771.html

(8) « Projet Cartel », sur France 5 : une enquête captivante sur l’assassinat d’une journaliste mexicaine, Le Monde, le 27 avril 2021 : https://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2021/04/27/projet-cartel-sur-france-5-une-enquete-captivante-sur-l-assassinat-d-une-journaliste-mexicaine_6078275_1655027.html

 

 

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