Ce journaliste est le premier à avoir révélé, dès mars, bien avant Le Monde, l’usage d’armes chimiques dans le conflit en Syrie. Il était l’invité du club de la presse jeudi 13 juin, à l’initiative de Jean-Michel Destang, administrateur du club, prix Albert Londres. (photoJMD)   Une mère qui souffle sur le visage de sa lire la suite

Ce journaliste est le premier à avoir révélé, dès mars, bien avant Le Monde, l’usage d’armes chimiques dans le conflit en Syrie. Il était l’invité du club de la presse jeudi 13 juin, à l’initiative de Jean-Michel Destang, administrateur du club, prix Albert Londres. (photoJMD)

 

Une mère qui souffle sur le visage de sa fille brûlée au troisième degré, un enfant à la peau déchiquetée par les gaz toxiques, les images de Frédéric Helbert dans Paris Match nous heurtent. Elle sont éloquentes quant à la violence de cette guerre en Syrie. Pas besoin de légende, l’image en dit tellement. C’est le fruit d’un long travail d’enquête de huit mois de ce journaliste indépendant, aguerri, qui a travaillé 20 ans à Europe 1 et est passé par France 24. Au final, il a apporté des preuves, des documents, des témoignages d’anciens gradés de l’armée de Bachar el-Assad pour révéler au monde entier ce que beaucoup soupçonnaient : l’usage d’armes chimiques. « Il m’a suffi de quinze minutes pour convaincre le patron de Paris Match, Olivier Royant, qui n’a pas hésité », souligne-t-il. A la clé, une enquête de 6 pages dans Match. En outre, il a également réalisé un documentaire de 26 minutes diffusé récemment sur Arte.

Le silence coupable des ONG et du monde occidental sur les armes chimiques

L’homme est encore scandalisé par ce qu’il a vu. « Cet enfant victime d’une bombe chimique est juste soigné avec un antibiotique par jour et un pansement tous les 15 jours. Ces médecins n’ont pas de moyens », s’indigne-t-il. Le monde occidental savait depuis longtemps, mais n’a rien dit et n’aide toujours pas ses hôpitaux de fortune.  » Le Dr Ghazi Aswad, chirurgien français d’origine syrienne au dispensaire de Tripoli au Liban avait fait des analyses en 2012 et déterminé 5 cas. Il avait alors prévenu La Croix Rouge, l’ONU… », révèle-t-il, en fustigeant les « errements de la diplomatie française. La situation qu’il décrit est ubuesque. 6 000 réfugiés syriens, essentiellement des femmes et des enfants, sont aujourd’hui soignés au Liban. « Dans les centres médicaux où je suis allé à 80 km de la frontière syrienne, il n’y a pas une ONG ! », lâche-t-il, écoeuré. Pourquoi ? « Il ne faut pas gêner le Hezbollah », répond-il, dépité. Paradoxalement, la Syrie est une « poudrière », où plusieurs pays ont intérêt au statu quo… pour éviter tout problème entre l’Iran, la Russie et Israël, les Etats-Unis par exemple… N’oublions pas que Bachar el-Hassad se présente comme un rempart contre le terrorisme. Ce soir, justement, la Maison Blanche a enfin déclaré pour la première fois qu’une « ligne rouge » a bien été franchie avec l’utilisation du gaz sarin.

Un conflit qui pose des questions sur l’évolution de notre métier

Frédéric Helbert n’a pas fait dans la langue de bois avec nous. L’ONU parle de 93 000 morts. « Il faut multiplier par trois ». Ce grand reporter ne cache pas son amertume. L’homme est entier, guidé par la recherche de la vérité, au péril de sa vie. « Je suis parti sans gilet pare-balle et casque, car cela fausse le rapport avec les gens qui sont en chemisette face aux bombes ». Alors quand ce journaliste expérimenté découvre plusieurs mois après ses révélations que Le Monde, qui aurait été aidé selon lui par l’Etat français  pour ramener des échantillons d’armes chimiques, « fait du marketing », il s’interroge sur l’évolution du métier de journaliste. « Ce conflit pose de vraies questions de fond sur notre profession ». Mêmes interrogations, quand il reçoit des insultes sur son Twitter, alors qu’il risque sa vie sur place… La fatigue se lit sur son visage et s’entend.

Les journalistes, une monnaie d’échange recherchée en Syrie

« Avant d’aller là-bas, j’ai mis trois semaines à négocier en amont (la voiture, le fixeur…). Une fois sur place, j’ai le compteur (coût du reportage) qui tourne en permanence. Et, je me dis qu’en rentrant, il faudra convaincre les journaux. On se fait même des ennemis au sein des journaux, car on dérange », confie-t-il. Pourtant, les conditions de travail des reporters de sa trempe en Syrie sont particulièrement difficiles. Les journalistes sont peu nombreux et doivent souvent faire avec les moyens du bord, louer des caméras sur place, pas forcément de la qualité attendue. Les journalistes anglo-saxons sont les plus présents et les mieux équipés. Mais, ce sont aussi les plus enlevés… Et, la loi du silence règne là-bas. « Personne n’a su que récemment des journalistes anglais ont été emprisonnés et libérés contre une belle rançon », dévoile Frédéric Helbert. Pour rappel, Reporters sans frontières a recensé 24 journalistes internationaux tués depuis le début du conflit en Syrie en mars 2011. Espérons qu’avec son reportage, il décrochera le prix Bayeux des correspondants de guerre, car il le mérite, sans aucun doute. Frédéric Helbert n’a qu’une addiction : « mon métier ». Un bel exemple pour les jeunes générations.

Nicolas César

Pour lire le reportage de Frédéric Helbert dans Paris Matchhttp://m.parismatch.com/Actu/International/Syrie-Le-voyage-au-bout-de-l-enfer-humanitaire-517997

Pour visionner le documentaire sur Arte : http://www.arte.tv/fr/syrie-l-arme-chimique/7474572,CmC=7474576.html

Laisser un commentaire

Logo vins de Bordeaux